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est vrai que cette peine est pour Silanus la mort, pour César la prison. Mais qu’importe ? « Tous les deux ont tenu le langage qui convenait à leur rang et fait voir une sévérité proportionnée à la grandeur de la faute. » Le raisonnement de César est pris tout à fait au sérieux. Il le complimente de la rigueur avec laquelle il traite les conjurés. Il y voit « le gage éternel de son attachement à la patrie ; » elle suffit pour lui faire comprendre « quelle distance sépare les orateurs de réunions publiques (concionatores) des véritables amis du peuple. » Plutarque a raison de dire que Cicéron ne s’est pas prononcé entre César et Silanus, et même d’insinuer qu’il semblait pencher plutôt du côté de César. Il dit très nettement « que c’est le parti qui lui fait courir le moins de risques et que son intérêt se trouve de ce côté. » En somme, il pense que, quoi qu’on fasse, la situation est bonne pour lui. « S’ils sont condamnés à la prison, il n’aura rien à craindre du peuple, puisque c’est l’avis de César ; et s’ils sont punis de mort, il lui restera la ressource de rappeler que César a soutenu que la mort était un supplice plus doux que la prison. » La conclusion de son discours paraît donc être que chacun peut voter comme il lui plaira ; ou si, par momens, la violence de ses invectives contre les accusés semble faire entendre qu’il incline vers l’opinion de Silanus, il ne lui arrive jamais de le dire d’une manière assez franche et assez forte pour entraîner des irrésolus.

On nous dit, il est vrai, pour justifier cette attitude hésitante, qu’il a voulu se tenir dans son rôle de président, et qu’il ne lui était pas permis, en faisant connaître son sentiment, de peser sur les gens qu’il allait consulter. Mais alors pourquoi prendre la parole si c’était pour ne rien dire ? Ses amis attendaient évidemment autre chose, quand ils le sollicitaient de parler. Ce n’était pas assez, dans une situation aussi grave, de leur donner quelques vagues conseils de fermeté et de courage. Aussi la quatrième Catilinaire, malgré l’éclat de la forme et quelques beaux élans d’éloquence, paraît-elle avoir produit peu d’impression quand elle fut prononcée. Non seulement Salluste n’en dit rien, mais Cicéron lui-même, quand il rappelle à son ami Atticus les services qu’il a rendus pendant le grand consulat et qu’on semble oublier, l’a passée sous silence.

Les sénateurs étaient donc, après le discours de Cicéron, plus inquiets et plus incertains que jamais. Quand le consul se remit