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degré en degré jusqu’à la chute finale, on s’était trompé sur son caractère et sur ses dispositions, il ne cherche ni à détruire l’Eglise par le schisme, ni à la dépouiller au profit de prêtres schismatiques, qui ont le droit, a-t-il dit, de sortir de la maison, mais non pas d’en emporter les meubles. Quant à M. Jaurès, il a traité le schisme avec un certain dédain, et s’est consolé rétrospectivement que la France, au moment de la Réforme, soit restée catholique, en pensant qu’elle s’était réservée et conservée tout entière pour la libre pensée. Son génie, s’est-il écrié, n’est pas schismatique, mais révolutionnaire. Et ce n’est pas là seulement une phrase sonore, comme il y en a parfois dans son éloquence. Cette fois, M. Jaurès a raison : tout ce que perd une religion en France n’est pas gagné par une autre, mais bien par la libre pensée. Les schismes, qui ont échoué au XVIe siècle, auraient peut-être pu y réussir si telle ou telle circonstance s’était présentée ; il est du moins permis de le soutenir ; mais, aujourd’hui, les hommes qui s’émancipent d’une religion s’affranchissent de toutes. L’ère des grandes conversions est passée, au moins en France, où chacun est placé entre la foi de ses pères et la négation religieuse. C’est entre ces deux termes qu’on choisit.

Mais il y aurait trop à dire sur ce sujet. Nous avons seulement voulu marquer le point où en est restée la discussion au moment où la Chambre s’est séparée. Il y a encore tant de batailles à livrer, et peut-être même sur le point qui vient d’être réglé, mais contre lequel les Jacobins se proposent de faire un retour offensif, que nous sommes loin de regarder, avec M. Jaurès, la séparation comme faite. Nous sommes même convaincu qu’elle ne le sera pas avant les élections prochaines. Mais il y aura alors un projet de séparation voté par la Chambre, sinon par le Sénat, et le pays sera mis en présence d’une réforme concrète dont il connaîtra tous les élémens. En comprendra-t-il toujours très bien le sens et la portée ? c’est une autre affaire. En tout cas, il sera mis à même de se prononcer.


Nous constatons avec regret que la difficulté qui s’est élevée entre l’Allemagne et nous à propos du Maroc ne s’est pas dissipée ; mais, cette fois, il ne semble vraiment pas qu’il y ait de notre faute, et tel sera, nous n’en doutons pas, le sentiment du monde politique au dehors.

L’Allemagne nous a adressé, par la voix de ses journaux évidemment inspirés, le reproche de lui avoir manqué d’égards ou de confiance en ne lui notifiant pas l’arrangement anglo-français du