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révélations subites, que nous n’expliquons pas. Ce sont des associations rapides et neuves, dont nous ne voyons pas le mécanisme. Ce sont des créations.

En fait, je crois que, physiologiquement, chez les équilibrés l’inspiration, l’imagination créatrice a pour organes à la fois les deux ordres de centres psychiques qui s’unissent dans la collaboration quotidienne. Gœthe décrit admirablement l’amalgame, la combinaison, la « chimie, à la fois inconsciente et consciente » qui aboutit à la production géniale. Dans beaucoup de compositions, il ne faut pas, comme dit Chabaneix, voir du subconscient, mais « au contraire exagération d’attention consciente. »

Dans les cas où le polygone paraît avoir la plus grande activité, c’est encore O qui lui a donné l’idée et l’a lancé sur une piste. O crée, le polygone rumine et, par suite, contribue puissamment à trouver l’expression.

Il y a d’ailleurs des types physiologiques différens, suivant que prédomine O, le polygone ou la collaboration équilibrée des deux. Il faut d’ailleurs remarquer que l’équilibre parfait n’est pas un signe de plus grande supériorité : au contraire ! Les grands supérieurs sont des déséquilibrés, parce qu’ils ont une grande prédominance d’une partie. Les très équilibrés sont des médiocres. En général, les talens sont plus équilibrés que les génies. Ce qui ne veut pas dire que le génie soit une névrose et doive être rapproché de l’épilepsie.

C’est avec les types de déséquilibrés ou de moins bien équilibrés qu’on voit mieux le rôle respectif de chaque psychisme dans l’inspiration et dans la composition : certains sujets sont plus polygonaux que d’autres. De plus, la force de ces divers centres varie infiniment suivant les personnes. Certains ont, dans leur psychisme inférieur, une force intellectuelle infiniment plus forte que d’autres dans tout l’ensemble de leur psychisme.

Mais, toutes choses égales d’ailleurs, l’imagination polygonale ne fait pas neuf comme l’imagination de O. Le summum de la production exclusivement polygonale est réalisé par les romans des médiums. Et M. Ribot cite les rêveries d’Hélène Smith comme exemple d’imagination créatrice.

C’est bien là en effet de l’imagination constructive. Mais ces romans sont au fond simples, peu élevés, nullement neufs ; il n’y a là rien de créateur ni de génial.