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souverain généreux en a eu l’avantage ; je l’ai envié sans en être jaloux. Dès lors, vous réunir à vos parens, vous donner l’époux que la Providence semble vous avoir elle-même destiné, et qu’elle s’est plu à rendre digne de vous, a été mon unique vœu. La volonté des auteurs de vos jours, votre acquiescement à cette volonté, le désir de toute notre famille, la précaution que j’avais prise, aussitôt que j’ai eu connu vos sentimens, d’obtenir du Saint-Siège les dispenses nécessaires à votre mariage avec votre cousin, tout semblait en hâter le moment ; mais il n’était pas encore arrivé. Chassé précipitamment des lieux que j’habitais depuis deux ans, obligé d’errer ou de n’avoir qu’un asile précaire, quel instant, quel lieu pouvait nous permettre d’accomplir une union si chère ? Enfin, l’amitié de l’empereur de Russie est venue à mon secours. Il m’a donné un asile stable, décent et tranquille. Ses soins généreux nous garantissent d’une misère qui, tout honorable qu’en est la cause, n’en aurait pas été moins pénible ; il veut bien se charger de traiter avec la Cour de Vienne, de tous les arrangemens nécessaires pour notre réunion, et de retirer le peu de fortune qui vous appartient, pour vous en mettre en jouissance.

« Cet instant si longtemps attendu semble donc enfin approcher : car ce serait faire injure aux deux souverains qui vont traiter cette affaire si importante pour nous, que de supposer qu’elle souffrira maintenant de longs délais. J’éprouve le premier moment de douceur véritable que j’aie goûté depuis nos malheurs. Rendez-la complète, ma chère enfant. Dites-moi que votre cœur est touché des soins que je me suis donnés pour assurer votre bonheur. Dites-moi que vous éprouverez quelque consolation en vous retrouvant dans les bras d’un père, bien différent, hélas ! de celui que nous regretterons éternellement, mais qui du moins lui ressemble par sa tendresse pour vous. »

C’est à cette adjuration que, le 24 août, avait répondu Madame Royale en renouvelant, pour se conformer aux désirs de son oncle, ses engagemens antérieurs, bien qu’elle les eût déjà maintes fois proclamés de manière à ne laisser aucun doute sur sa volonté de les tenir.

« Oui, mon très cher oncle, les désirs de mes infortunés parens et les vôtres sont les miens et ma volonté est de m’y conformer ; je vous en ai donné l’assurance aussitôt que je l’ai pu ;