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y puiserons, avec des motifs de juste fierté, des enseignemens souvent pénibles, mais toujours salutaires.

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S’il y avait un reproche à adresser à M. de Villiers, peut-être pourrait-on se plaindre que, dans son ouvrage, la proportion entre l’éloge et la critique ne soit pas absolument équitable : aucune de ses critiques ne dépasse la mesure, mais les éloges qu’il distribue sont souvent un peu parcimonieux ; il insiste sur les tares des physionomies antipathiques pour dessiner ensuite d’un trait trop rapide ou d’un crayon trop léger certains types dont le lecteur est réduit à soupçonner l’héroïsme et la beauté. C’est là un défaut très français, et qui n’est point sans quelque noblesse : les écrivains des autres races inclinent volontiers vers l’excès contraire.

Certes, il y avait à critiquer, et, tout d’abord, que dire de cette administration métropolitaine dont l’ignorance et l’incurie alternaient avec la plus ridicule méticulosité. Pas un reproche qu’on ne puisse lui adresser, car elle les a mérités tous. Les bureaux classaient les dépêches des colonies sans presque les lire, quitte à s’indigner un beau jour de n’avoir « jamais entendu parler » de telle affaire dont le détail avait été narré dans une série de pièces encore existantes. On ne répondait point aux demandes les plus pressantes des gouverneurs. L’un d’eux, Diron d’Artaguette, ne demeura-t-il point cinq années sans que le moindre secours lui parvînt de France ! Puis, soudain, après ces longues périodes d’oubli, arrivaient douze grandes pages d’instructions minutieuses, réglant les préséances et les conflits ou recommandant « de ne pas penser aux plantations à sucre, » parce que la cire végétale réussirait beaucoup mieux ! Bien heureux encore si le navire qui apportait ces inutiles grimoires se trouvait contenir les objets de première nécessité réclamés à maintes reprises pour l’entretien des troupes ou les présens aux Peaux-Rouges. Il advint à M. de Kerlerec de ne trouver dans le chargement d’un convoi longtemps attendu aucune des marchandises facturées comme y ayant été embarquées ; elles avaient été remplacées par d’autres de moindre valeur et de nulle utilité pour les destinataires.

On ne sut jamais à Paris que la Nouvelle-Orléans n’était pas