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néerlandaise, ont peut-être une naissance moins assurée qu’on ne dit. Si l’on étudie l’œuvre de Charonton, on s’apercevra bien vite que les formules de Jean Fouquet ne sont pas étrangères au peintre picard ; que des tendances communes les réunissent ; et que le mot de peinture flamande perd singulièrement de son acception étroite et bornée.

On s’étonnera donc moins de cette prétendue allure flamande rencontrée dans le Buisson ardent de la cathédrale d’Aix, dans le Saint Siffrein du grand séminaire d’Avignon, qui, hier inconnu, sera célèbre demain. Nicolas Froment, le peintre de ces œuvres, est un Flamand, au dire de Michiels. En réalité Nicolas Froment est né à Uzès, et ses œuvres ne sont plus des énigmes. L’une d’elles est au Musée des Offices avec une signature ; on groupera, autour du Buisson ardent, le Diptyque de Marleron du Louvre, la Vierge et Sainte-Anne de l’église de Joigny, la Résurrection de Lazare du docteur Reboul de Lyon, un tableau appartenant à M. von Kauffmann, conseiller intime à Berlin. Nicolas Froment doit encore une résurrection complète à l’abbé Requin. Froment d’Uzès, le prétendu Flamand, est, comme Charonton, comme Fouquet, comme Bourdichon et Perréal, avec une légion d’autres, le rival en marche parallèle des grands artistes du Nord. Partis d’un même rameau français, les Van Eyck, les La Pasture et ces hommes ont suivi une voie concurrente, avec des réussites égales ou inégales, mais dans une parité absolue de pratiques et de tendances. Devant les faits indéniables et les preuves, nous sommes donc fondés à nous demander où commence la Flandre et où finit la France.


V

L’entreprise fut laborieuse, elle fut contestée même par ceux d’entre nous qui, dans un excès de scrupules, entendaient établir les limites de l’un des arts à l’autre avant de rien oser. L’essentiel pour nous fut de justifier le titre de Primitifs français, de vrais primitifs, avec leurs qualités et leurs défauts, et de montrer, par la juxtaposition d’œuvrés peintes, et de manuscrits authentiques, le bien fondé de nos revendications. Bruges a fait éclater la valeur de deux grands artistes de la fin du XVe siècle : Memling et Gérard David. Mais des primitifs, authentiquement issus de l’esthétique néerlandaise, pas un ne marque réellement. À ce compte,