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ne peut obtenir la visite du prêtre que moyennant un « bon de confession, » signé par la surveillante, au même titre qu’un bon de lait ou de champagne ? Il est évident, — il est normal, — que si la surveillante n’est pas elle-même ostensiblement respectueuse des croyances, le malade n’aura pas l’héroïsme voulu pour suivre son attrait religieux, en présence du ridicule qui lui paraîtra menaçant. Si l’on exagérait, jadis, dans l’autre sens, on a, depuis vingt ans, singulièrement contre-balancé les excès supposés des congréganistes honnis.

Au point de vue médical, l’impression favorable éprouvée lors de mes premières visites s’accentue davantage par l’observation journalière. Manifestement, notre malade indigent est bien soigné et c’est à son profit que sont employées d’abord les ressources nouvelles de la science. Telle opération chirurgicale, exigeant des frais considérables, un ensemble incroyable de matériel coûteux, des précautions inouïes et la plus magistrale dextérité de la part du chef, se pratique journellement dans ces services gratuits comme une chose toute simple.

Mais, d’autre part, car il faut bien, hélas ! voir tous les côtés de la question, si, dans les cas intéressans pour la science médicale, tout est vrai de ce qu’on peut dire de plus élogieux, rien ne reste ou presque rien pour le cas banal qui n’intéresse plus. Combien de fois j’ai pu assister, jour après jour, au découragement d’une malade voyant son examen toujours remis, le diagnostic non prononcé, l’opération trop facile retardée, cependant qu’en l’esprit de la malheureuse, le foyer abandonné se peuplait d’images trop probables : âtre sans feu, enfans à la rue, mari au cabaret... Étonnez-vous, après cela, qu’une mère de famille meure sur place, pour avoir négligé son mal, — parce qu’elle n’a pu se résoudre à entrer à l’hôpital, — ou, une fois entrée, à y rester le temps exigé.

Et puis, c’est encore l’insuffisance du personnel qui peut être rendue responsable de certains faits, gros d’inconvéniens, — qu’on en juge. — Le traitement spécial de telle maladie exige des soins réguliers, donnés à intervalles fixes. L’infirmière, surmenée, en bons termes d’ailleurs avec son malade, profite de l’humeur bénévole de celui-ci pour lui donner le mot d’ordre. Il dira qu’il a reçu les soins voulus et sa complaisance ne sera pas toute désintéressée si, lors des distributions de nourriture, il reçoit, au lieu et place de son voisin, la part plus délicate