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REVUE LITTÉRAIRE

UN SÉJOUR EN ANGLETERRE AU DÉBUT DU
XVIIIe SIÈCLE[1]

Aux premières années du XVIIIe siècle, un événement considérable se produisit en France : la découverte de l’Angleterre. Notre XVIIe siècle monarchique, catholique, poli et lettré n’avait éprouvé qu’une aversion mêlée d’un peu de pitié pour un pays déchiré par les discordes civiles et religieuses, et il ne se souciait guère de connaître ni les idées, ni les mœurs, ni les usages d’un peuple qu’il se représentait comme plongé en pleine barbarie. Dans la période qui s’ouvre en France après la révocation de l’édit de Nantes, en Angleterre après la Révolution de 1688, tout change : les réfugiés servent de trait d’union entre les deux nations ; un mouvement de curiosité se dessine chez nous en faveur des choses anglaises ; le signal en est venu des pays protestans ; de Hollande partent des gazettes qui nous initient à la littérature de nos voisins d’outre-Manche ; en Suisse paraissent, avec un succès considérable, les Lettres sur les Anglais et les Français, du Bernois Béat de Muralt. Précisément en cette même année 1725, un jeune homme d’une grande famille vaudoise, César de Saussure, riche et féru de la passion des voyages, se mettait en route pour courir le monde. Il poussa jusqu’en Turquie. Mais, cédant au courant nouveau, il était allé d’abord et tout droit en Angleterre, où il séjourna quatre années. Il prit des notes sur tout ce qu’il voyait et entendait dire. Au retour, il les rédigea et en composa, sous la forme de lettres qui était alors à la mode, une relation de

  1. Lettres et voyages de M. César de Saussure, avec une introduction de M. B. van Muyden, 1 vol. in-8o, chez Fischbacher.