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POÉSIES


ODE


C’est en vain que le Temps a pris mes jeunes Heures,
Une à une avec lui,
Et qu’il s’en est allé tandis que je demeure
Seul et qu’elles ont fui.

Elles furent pourtant ma joie et ma jeunesse,
Tout ce qui a été
Ma force, mon espoir, mon amour, mon ivresse,
Mon printemps, mon été !

N’emportent-elles pas en leurs mains étendues
Les fleurs de ma saison ?
Et les voici qui sont, ô mon cœur, disparues
Derrière l’horizon ;

Et là-bas, sur le bord du fleuve taciturne,
Toutes et de retour,
Il me semble les voir enguirlander dans l’urne
La cendre de mes jours ;

A la stèle, en rêvant, celle-là se repose
Et paraît oublier ;
L’une d’un doigt léger y suspend une rose,
L’autre y noue un laurier.