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président du Conseil, la faveur pour les amis ! Et, pour les adversaires, la justice tout juste, la justice faveur déduite : inégalité, injustice ! Autant proclamer franchement que la démocratie française est une démocratie à deux degrés, avec des citoyens de première classe : les amis ; et des citoyens de deuxième classe, des sous-citoyens, presque des non-citoyens : les adversaires.

Adversaires, tous ceux qui ne pensent pas comme nous, qui ne votent pas pour nous. Mais les amis, à quoi les reconnaîtra-t-on ? Si M. Combes ne le dit point, d’autres le disent pour lui, que leur majesté n’embarrasse pas, et qui n’ont pas, comme lui, tant de choses et tant d’hommes à ménager. Écoutons l’un des orateurs qui sèment la bonne parole à Frasne, dans le département du Doubs, sous les auspices de M. le sénateur Bernard et de M. le député Beauquier :


Chaque jour on fait appel à nos amis ou à moi pour obtenir, par l’influence qu’on nous attribue, quelque avantage, quelque appui auprès des pouvoirs publics. Mais je tiens à le bien préciser : seuls les sincères démocrates peuvent faire appel à notre aide, et la meilleure référence à nous présenter sous ce rapport, c’est la quittance prouvant que le solliciteur fait partie de nos comités[1].


Le voyez-vous à l’œuvre, le jacobinisme ? Et voyez-vous la préoccupation, l’obsession, l’hypnose électorale ? Elle s’insinue, elle s’infiltre dans tous les organes du corps national, qu’elle corrompt et qu’elle dissout ; dans ceux même qui devraient être inaccessibles et réfractaires à la gangrène.

Dans l’armée. Le Temps publie cette information :

On sait qu’à la suite d’une entente entre les ministères de l’Intérieur et de la Guerre, toutes les demandes émanant de soldats en activité de service ou de réservistes et territoriaux, relatives soit à des congés de moisson ou de vendanges, soit à des sursis ou des devancemens d’appel, doivent être transmises par l’autorité militaire aux préfets chargés défaire une enquête qui, il faut le reconnaître, a un caractère nettement politique.

Or, plusieurs préfets, en transmettant leur avis aux chefs de corps, avaient cru devoir en donner les motifs et y joindre certaines pièces, rapports de police, lettres des maires, etc.

La communication de ces pièces aux intéressés a donné lieu à divers incidens.

Pour en éviter le retour, le ministre de l’Intérieur vient d’adresser aux

  1. Ce texte est emprunté à la Liberté du samedi 8 août 1903.