Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/886

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parlement[1], nous a laissé un récit où l’on entend Hérault de Séchelles, entré déjà dans le camp de la Révolution, tenir des propos violens, cyniques et révoltans. Il avait jeté le masque et se révélait tout entier : « J’entendis des propositions à me faire dresser les cheveux sur la tête, raconte Bellart. Dieu, les religions, jusqu’au respect dû à la paternité, tout fut mis en question, et avec un cynisme et une liberté d’expressions qui me firent me tâter plus d’une fois pour savoir si je ne rêvais pas et si j’étais bien véritablement chez un des premiers magistrats de France. Dans les discussions, le maître de la maison se reposait des impiétés avec des obscénités. »

Nous devons au même témoin cet autre trait qui complète la physionomie d’Hérault de Séchelles nouvelle manière. Ayant assisté à la prise de la Bastille, il avait vu la tête de Berthier portée au bout d’une pique par ses assassins ; Foulon, beau-père de Berthier, traîné dans un cabriolet par d’autres scélérats ; et la rencontre des deux sinistres cortèges qui voulurent, après s’être réunis, obliger le vivant à embrasser la tête du mort. Il racontait cette scène hideuse, plaisamment, comme si elle n’eût été que ridicule.

— Figurez-vous un peu cette scène, narrait-il en ricanant, et ce malotru présentant la tête au beau-père comme s’il eût dit au gendre : « Baise papa… baise papa. »

Bellart confesse qu’il en eut le frisson.


IV

Lancé dans cette voie, Hérault de Séchelles ne devait plus s’arrêter. Les plus modérés et les plus prudens, s’ils ont le malheur d’y entrer, sont entraînés plus loin qu’ils ne veulent : à plus forte raison ceux qui ne possèdent, — c’est le cas de notre personnage, — ni la prudence ni la modération. Dans sa famille, son revirement faisait scandale. Sa mère et sa grand’mère en gémissaient. Les tragiques événemens du mois de juillet 1789 les avaient trouvées en villégiature estivale au « Grand Berceau, » leur résidence de Livry. Elles résolurent d’y rester et de ne pas rentrer à Paris. Le maréchal de Contades alla les rejoindre.

  1. On sait qu’il fut procureur général sous la Restauration. Les détails qui suivent sont extraits de l’introduction placée en tête de ses œuvres.