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des recettes qu’il convient de chercher l’équilibre budgétaire, mais dans la diminution des dépenses. C’est ici qu’il faut porter le fer rouge, c’est ici qu’il faut avoir le courage de regarder le mal en face et d’envisager, non pas un remède passager, mais une orientation courageuse de notre politique générale qui nous permette de retrouver la santé financière. Il semble qu’à cet égard des idées nouvelles commencent à pénétrer les milieux parlementaires : des paroles significatives ont été prononcées à la tribune du Palais-Bourbon. M. Ribot, dans un éloquent discours, s’écriait : « Si je ne veux pas que les dépenses militaires augmentent, c’est parce que je veux l’armée la plus forte que nous puissions avoir. L’armée ne sera forte qu’à la condition d’être proportionnée à la population et à notre budget... C’est une opinion réfléchie de ma part : je l’apporte à cette tribune parce que je considère comme mon devoir de l’exprimer... Il faut une armée appropriée, adaptée et à l’état de la population et aux ressources dont nous disposons. On a été imprudent, on a été entraîné à des charges exagérées, on a voulu suivre l’Allemagne, ce qui était impossible, puisqu’elle a une population de moitié plus considérable que la nôtre... On a voulu des unités plus nombreuses chez nous qu’en Allemagne. C’est une faute énorme, parce qu’au lieu de fortifier l’armée, on l’affaiblit[1]. »

M. Ribot n’a pas été le seul, dans la discussion du budget de l’année courante, à signaler le danger. Deux mois plus tard, M. le ministre des Finances a prodigué de salutaires avertissemens : « Dans les pays qui nous entourent, a-t-il dit, on a fait des dépenses considérables pour l’armement ; des efforts immenses ont été accomplis pour augmenter la marine et pour conquérir un domaine colonial ; comme les autres, nous avons poursuivi à la fois ces objectifs très divergens, fort difficiles à concilier, et nous sommes arrivés au même résultat... En Allemagne, en Autriche, dans les pays même secondaires qui nous entourent, partout on constate dans les budgets l’augmentation des dépenses et le déficit. Une seule nation fait exception, c’est l’Italie. »

Le même jour, M. Rouvier a ajouté les paroles mémorables que voici :

  1. Séance de la Chambre du 20 janvier 1903.