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du rôle que la France, dominatrice de l’Algérie et de la Tunisie, est appelée à jouer au Maroc. L’intégrité de l’empire chérifien, sous l’hégémonie de la France chargea de le guider dans les voies de l’organisation et de la civilisation, a toujours été et est plus que jamais aujourd’hui, l’une des maximes fondamentales de notre politique dans l’Afrique du Nord. En ressuscitant les vieilles divisions historiques, en cherchant à faire le difficile départ des tribus indépendantes et de celles qui obéissent au maghzen, on courait le risque de favoriser et même de provoquer un démembrement. Sans doute, il nous eût été plus facile d’absorber une à une les tribus et les oasis voisines de l’Algérie et d’en finir avec Figuig, mais quelques milliers de bédouins, quelques milliers de palmiers ajoutés à son empire n’auraient fait la France ni plus riche, ni plus puissante, et auraient pu servir de prétexte à l’immixtion de puissances non africaines dans les affaires du Maroc et peut-être à une mainmise étrangère sur les fertiles territoires de la plaine atlantique. La préoccupation constante de ne pas fournir à nos rivaux une occasion d’intervention et d’éviter jusqu’à l’apparence d’une violation du traité de 1845, a toujours déterminé l’attitude de nos représentans à Tanger et de nos ministres des Affaires étrangères. C’est en Algérie, au contraire, que, tout naturellement, cette politique a rencontré ses détracteurs.

La France se trouvait, au Maroc et dans le Sud-Oranais, en face de deux intérêts essentiels à sauvegarder : il lui fallait, avant tout, ne pas ouvrir imprudemment la « question marocaine, » maintenir l’intégrité de l’empire du Sultan et travailler à y rendre l’influence française prépondérante ; elle devait, en second lieu, assurer à ses marches sahariennes et à sa frontière oranaise la sécurité indispensable. Il était donc absolument nécessaire qu’il n’y eût pas contradiction entre ces deux politiques et, pour cela, il fallait que la seconde fût subordonnée à la première et que l’on cherchât à obtenir la sécurité par une entente et une coopération avec le gouvernement chérifien. Cette méthode ne date pas d’hier, ni du gouvernement de M. Revoit ; elle est la véritable tradition de notre politique marocaine. Si, en 1847, le général de Lamoricière put s’emparer d’Abd-el-Kader et terminer glorieusement la période la plus difficile de nos guerres d’Afrique, c’est par une heureuse conséquence des traités de paix et d’amitié signés à Tanger et à Lalla-Marnia ; notre insaisissable ennemi,