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conseil de Fontanes sans doute, il ne parut que le 24 germinal (14 avril 1802), au moment de la promulgation du Concordat, quelques jours avant la cérémonie de Notre-Dame. Dans toute la fièvre du travail, Chateaubriand écrit à Mme de Staël le 24 vendémiaire-16 octobre 1801 :


A Madame de Staël, à Coppet, par Genève.

« 24 vendémiaire.

« Il y a déjà quelque temps que j’ai reçu votre aimable lettre, mais je me suis trouvé embarrassé d’une affaire qui m’a empêché d’y répondre. Je serai à Paris dans les premiers jours de décembre ; je m’occuperai de l’impression de mon ouvrage, et je quitterai Paris, aussitôt qu’il a (sic) paru, c’est-à-dire dans le courant de janvier, ou le commencement de février au plus tard. Je vous verrai le plus souvent qu’il me sera possible : je crains bien seulement que la correction de mes épreuves, à laquelle je me donnerai tout entier, ne me retienne souvent malgré moi dans la solitude. Mais enfin il faut en finir. Résolu que je suis de jeter là le métier d’homme de lettres, du moins pour longtemps, je me hâte de sortir de cette galère où je me suis follement embarqué. Planter mes choux, si j’en ai, végéter doucement indifférent à tout, même à moi-même, voilà maintenant le dernier terme de mon ambition. Si le Génie du Christianisme se vend, il doit me rapporter assez d’argent pour acheter la chaumière dont je vous ai parlé[1]. J’aurai des poulets, puis un cochon, puis la vache et le veau.

« Je serai bien heureux, si vos amis les philosophes ne cassent pas mon pot au lait.

« Quand vous verra-t-on ? Paris sera brillant. La paix va amener des étrangers, vous vous réjouirez, tant mieux ! J’aime qu’on profite de la vie ; j’ai trop perdu la mienne. Quand vous serez lasse du monde, je vous prêcherai les folies de la solitude. Ce sont celles de mon René, que vous ne connaissez pas ; peut-être l’aimerez-vous mieux que cette sauvage Atala, un peu grossière à Paris. Vous me dites si vous vous souvenez d’Auguste ? Je vous en ai constamment parlé. Vous ne m’avez jamais répondu sur son compte. Dites-lui combien je l’aime. A Dieu, je vous

  1. Cf. Lettre du 5 messidor.