Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rencontrer et se reconnaître sur les champs de bataille où ils combattent dans des rangs opposés.

La branche de Savoie était originaire de Montmélian. Elle portait « d’azur à un crancelin cometé d’or, mis en fasce à cinq flammes aussi d’or, posées en fasce à la pointe, au chef d’or chargé d’une aigle éployée de sable. » Jusqu’en 1470, elle n’est connue que sous le nom de Noyelli devenu Noyel ou Noël. À cette date, Jean Noyel prend celui de Bellegarde qu’il lègue en 1513 à son fils François, l’acquéreur du château des Marches.

Aux approches de la Révolution, cette famille était représentée par François-Eugène-Robert, comte de Bellegarde, marquis des Marches et de Cursinge, né à Londres en 1720. Longtemps général au service des États généraux de Hollande, il avait épousé une d’Hervilly tante du comte d’Hervilly blessé mortellement à Quiberon. Au décès de son père, il vint se fixer en Savoie pour y jouir des grands biens dont il héritait. De son mariage, étaient nées trois filles, Adélaïde-Victoire en 1772[1], Césarine-Lucie en 1774, et, en 1776, Françoise-Aurore-Eléonore, dont la naissance coûta la vie à sa mère. La comtesse de Bellegarde mourut à vingt-trois ans, laissant à son mari désespéré, avec le souvenir de ses vertus, ces trois enfans à élever.

Le comte de Bellegarde se dévoua à cette tâche avec toute la sollicitude que pouvait lui suggérer sa tendresse paternelle. Elle lui fut facilitée par l’intérêt qu’inspiraient à ses parens et à ses amis domiciliés à Chambéry les petites orphelines. Le nom qu’elles portaient leur assurait des sympathies et des appuis dans la société aristocratique de Savoie où leur mère n’avait brillé qu’un jour, mais assez pour y susciter de longs regrets.

Elle est singulièrement attrayante cette société savoyarde, telle qu’elle existait avant l’annexion de la Savoie à la France. La correspondance de Joseph de Maistre, les lumineuses études du marquis Costa de Beauregard et de M. François Descostes

  1. Je crois devoir donner son acte de naissance, extrait des registres paroissiaux de Saint-François de Chambéry : « 24 juin 1712, est née et a été baptisée Adélaïde-Victoire, fille de François-Robert-Eugène de Bellegarde, marquis des Marches et de Cursinge, général-major au service de leurs Hautes Puissances les États Généraux et de Marie-Charlotte-Adélaïde d’Hervilly, marquise de Bellegarde. Parrain : le seigneur Janus de Bellegarde, comte d’Entremont, général d’infanterie, gouverneur d’Alexandrie ; marraine : dame Adélaïde-Victoire de Castille d’Hervilly, aïeule maternelle. » Quatre ans plus tard, les parrain et marraine d’Aurore furent le comte de Nangy, inspecteur général des troupes sardes et dame Aurore, comtesse de Bellegarde.