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ses îles, grâce aux défenses qu’il a accumulées sur ses côtes, et à la solide organisation de ses réserves, le Japon peut procéder en toute sécurité à cette période de recueillement. D’autre part, ils sont également nombreux ceux qui ont conservé, pour la France particulièrement, les sympathies que notre pays rend avec usure à cette nation, amis puissans, aux idées larges, dont l’influence est de force à contre-balancer victorieusement celle du parti adverse, et qui savent qu’il y a place pour toutes les puissances dans l’exploitation pacifique des ressources de toute nature que le continent asiatique offre comme un champ immense à leur activité industrielle et commerciale.

L’alliance anglo-japonaise qui vient d’être conclue n’a point modifié, en fait, cette situation générale. C’est un groupement prévu, attendu, qui s’est effectué normalement, entre deux puissances, ayant, comme nous l’avons vu, des intérêts connexes, d’ordre momentané, cependant, plutôt que d’ordre durable, car, dans un avenir prochain, le Japon n’aura point de rival plus dangereux, sur le terrain économique, que l’Angleterre, si ce n’est l’Amérique, son autre allié, également de circonstance. Dans tous les cas, cette alliance constitue, sans doute, pour l’Angleterre un appui pour renforcer son influence, un moment chancelante, auprès de la Cour de Pékin ; mais ce n’est point pour elle, estimons-nous, la certitude de pouvoir disposer des forces militaires de son allié, pour donner suite en toute liberté aux visées que quelques-uns de ses hommes d’Etat peuvent poursuivre sur la vallée du Yang-Tsé-Kiang. L’accord anglo-japonais est, pour le Japon, surtout, un appel au concours du crédit financier de la Grande-Bretagne, sans lequel il ne lui est pas possible de réaliser ses projets de perfectionnement de son armée et de sa flotte. Mais, il ne faut point en douter, ce n’est nullement, pour cet Empire, l’engagement obtenu, de la part de son puissant allié, d’une intervention, au besoin par la force des armes, en faveur des multiples revendications proclamées par le parti de la guerre japonais. L’Angleterre n’est point de composition, en effet, à suivre notamment ce dernier dans ses projets d’ultimatum à lancer à la Russie, pour lui imposer une évacuation précipitée et inopportune de la Mandchourie, au moment où, l’ordre et la paix étant loin d’être établis dans cette province, un retrait, même partiel, des sotnias cosaques serait considéré par tous, en Extrême-Orient, comme un acte de faiblesse, de nature à