Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/568

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flotte de guerre qu’elle entretenait en Extrême-Orient, aux nombreux consuls et autres agens diplomatiques et commerciaux qu’elle avait échelonnés le long des rives de ce fleuve, au grand nombre de canonnières de faible tonnage qui en sillonnaient le cours, — se constituer une sorte de terrain réserve, de sphère exclusive d’action politique et commerciale en attendant le moment où elle pourrait la revendiquer comme apanage. La question d’intégrité de la Chine ayant été résolue en faveur de cette dernière puissance, force fut à l’Angleterre de renoncer, pour le moment du moins, à ces projets. Une autre conception lui est alors venue : « La pensée de derrière la tête de toute une fraction de ses hommes politiques, au premier rang desquels lord Charles Beresford, est certainement de faire contenir la Russie par une Chine réorganisée et inspirée par l’Angleterre. Elle cherche à susciter des forces locales, à trouver des appuis en Extrême-Orient, au besoin même contre le sentiment de ses colonies de marchands et d’industriels dans l’Asie orientale » C’est de cette dernière conception qu’est issue l’alliance anglo-japonaise. Nous ajouterons que l’Angleterre se rit, et à bon droit, pensons-nous, à l’occasion de cette alliance, de ceux qui lui adressent le reproche, — que l’on ne manquera point de nous adresser à nous-mêmes, — de déserter, en ces circonstances, la cause des races de l’Occident ; de commettre ainsi une sorte de trahison de leurs intérêts, et, finalement, de suivre, dans l’espèce, une politique a très courtes vues.

Serait-ce l’Allemagne ? Dans le mouvement d’activité maritime et commerciale où l’entraîne sa politique mondiale ou bien, si l’on préfère, dont sa politique mondiale est la conséquence, l’Allemagne est à la recherche de terres, dans les différentes mers, pouvant lui procurer à la fois des points d’appui pour ses flottes de guerre, des entrepôts pour sa marine de commerce, des débouchés pour y recevoir le trop-plein de sa population et y écouler les produits de son industrie, aujourd’hui en surabondance dans la métropole ; et l’on sait qu’il n’est point de sacrifices auxquels elle ne consente pour la réalisation de ces projets. Cette puissance ne se fût certainement point trouvée en opposition d’intérêts avec celles qui demandaient le démembrement de la Chine : elle y eût gagné de substituer à la politique de la « porte ouverte » ou à celle des « sphères » d’influence auxquelles elle s’est successivement ralliée, celle de la mise en