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artiste, l’objet qu’il a poursuivi, le rôle qu’il a joué dans le développement de son art. En une centaine de pages entremêlées d’une cinquantaine de photographies, chaque volume devait dérouler sous nos yeux toute l’œuvre d’un grand peintre ou d’un grand sculpteur, nous montrant son évolution à travers son temps, nous indiquant au fur et à mesure les influences successives dont elle porte la trace, et, autant que possible, substituant aux appréciations personnelles un bref et sincère énoncé des faits. Après quoi devaient venir, dans chaque volume, des appendices contenant la liste des principales dates certaines de la biographie du maître (naissance, voyages, commandes de travaux, etc.), et une liste, par pays, de toutes celles de ses œuvres qui se sont conservées jusqu’à nous.

Tel était, à l’origine, le programme de cette collection ; et plusieurs de ses volumes, pour y avoir répondu, peuvent être cités comme d’excellens modèles de biographie artistique. De ce nombre sont, par exemple, les trois études de M. Williamson sur Luini, le Pérugin, et Francia, le précieux Memling de M. James Weale, dont j’ai eu naguère l’occasion de parler, et un Gérard Dov de M. Martin, traduction abrégée d’un ouvrage hollandais qui, à propos du peintre de la Femme hydropique, nous offre une reconstitution infiniment précise et pittoresque des mœurs, des usages, des sentimens et des idées de tout un groupe de bons petits maîtres de Leyde et des villes voisines, vers le milieu du XVIIe siècle. Dans d’autres volumes de la série, comme le Botticelli de M. Streeter, les lignes générales du programme sont encore suivies, mais déjà l’effet instructif du récit se trouve en partie compromis par l’humeur présomptueuse des auteurs, qui tantôt ne peuvent pas s’empêcher d’ajouter aux faits décidément acquis toute sorte d’hypothèses fantaisistes de leur cru, tantôt tiennent naïvement pour des faits acquis les hypothèses, non moins fantaisistes, de quelqu’un de leurs confrères anglais ou américains. Et il y a enfin des volumes où le programme que j’ai dit n’est plus du tout suivi, où aucun lien n’existe plus entre les illustrations et le texte, où l’histoire est entièrement remplacée par la critique : par une critique la plus arbitraire et la plus stérile qu’on puisse imaginer, consistant à mettre un artiste en parallèle avec d’autres qu’il n’a jamais connus, et à affirmer violemment sa supériorité.

Mais ce qui frappe par-dessus tout, dans presque tous les livres de ces deux dernières catégories, c’est l’assurance imperturbable avec laquelle les écrivains anglais traitent de l’art et des mœurs des autres pays sans jamais prendre la peine de s’enquérir de l’opinion que