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DE BOULOGNE Á AUSTERLITZ

III[1]
LA VEILLE DE LA BATAILLE[2]

Napoléon marchait aux Russes, et, tout en combinant les mouvemens de son armée, il méditait sur le lendemain de la victoire, la paix, plus difficile, plus incertaine que la guerre, la paix qui devait être désormais le mirage décevant dans toutes ses entreprises, pour laquelle il allait envahir, conquérir, bouleverser l’Europe, et qui lui échapperait toujours. Bâcler la paix avec l’Autriche, entrer en compromis avec Alexandre et reprendre les pourparlers rompus par la mort de Paul Ier, payer l’immobilité de la Prusse d’un pourboire royal, c’est-à-dire recommencer Campo-Formio et Lunéville, les traités de Bâle et de Berlin, les spéculations orientales de 1801, en tâchant de donner à tous ces échafaudages plus d’assiette et de cohérence, voilà tout l’effet qu’il attendait de la guerre. C’était la combinaison désirable, un grand succès la rendrait possible. Mais comment organiser l’Europe, la traverser de digues contre le reflux des monarchies démembrées et assujetties, des peuples conquis et partagés, la

  1. Voyez la Revue du 15 août et du 1er septembre.
  2. Outre les ouvrages déjà mentionnés, j’ai employé, pour cette étude, les écrits de Beer, Tatistchef, Baumgarten, Schnitzler, Frédéric Masson, Madelin, Ernest Daudet, Lanzac de Laborie, Poullet ; les Mémoires et Correspondances de Ségur, Metternich, Talleyrand, Miot, Guilhermy, Marmont, Fezensac, Bugeaud, Fantin des Odoards, Joseph de Maistre, Cresceri.