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Les guérir tout à fait, beau rêve, mais aussi étrange utopie. Les soulager, à merveille ! mais encore faut-il que la difficulté de la situation ne résulte pas de la brutalité inéluctable des faits. Or, l’huile de colza, après avoir jadis glorieusement illuminé les phares, brillé dans les réverbères, les lampes Carcel, les fanaux, se voit aujourd’hui évincée par le gaz de houille, l’électricité, l’acétylène, le pétrole, sur les voies publiques, dans les magasins, les plus humbles ménages. Sa principale clientèle, celle des chemins de fer, lui échappe même, car c’est le pétrole qui brûle dans les lanternes blanches, rouges vertes, luisant sur les trottoirs des petites gares, sur les voies, sur le matériel roulant. Dès lors, pourquoi cultiver à perte un produit non demandé, qui occupe de bonnes terres ? Aux chimistes aux industriels de lui trouver un autre débouché, car, malheureusement, au point de vue de l’éclairage le rôle du colza est si bien fini que l’alcool, dernier venu, se piquant d’étinceler à son tour, vient de lui donner le coup de grâce !

En sera-t-il de même pour les végétaux oléifères exotiques ? La question est trop complexe, trop générale, pour être même effleurée ici, mais nous formulerons un plaidoyer chaleureux en faveur de l’huilerie marseillaise. La malheureuse cité phocéenne est déjà assez menacée dans sa situation commerciale pour que l’industrie dont elle a jusqu’ici le monopole supplée au détournement de son transit. Tandis que Gênes travaille à attirer vers son port marchandises et voyageurs, l’Autriche et l’Orient s’efforcent d’acclimater chez eux la fabrication de l’huile en profitant de tous les progrès déjà acquis. Nous espérons que les représentans de Marseille, sans demander à la Chambre de sacrifier absolument les droits des agriculteurs des bords de la Manche, sauront défendre ceux de la seconde ville de France. N’oublions pas non plus les possesseurs français d’olivettes du bassin de la Méditerranée, qu’ils soignent l’arbuste dans la métropole, ou le cultivent dans l’Afrique barbaresque. Ils peuvent dans une large mesure compter sur l’avenir, car l’usage de l’huile d’olive pour la table est devenu et restera général ; jusqu’à nouvel ordre aussi, la machinerie de précision en consommera de fortes quantités. Donc, débouchés à peu près assurés. Deux solutions alors se présentent, mais souvent, il faut le dire, sans choix possible entre l’une et l’autre.

En Algérie, en Tunisie, en Corse, sur le littoral des Alpes-Maritimes,