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cela ne fait pour nous, je le pense, aucun doute ; mais que, politiquement parlant, et surtout alors, il fût permis et raisonnable d’hésiter, il faut en convenir. Plus grandissait la monarchie unitaire et gallicane, et plus clairement se posait, je ne dis pas au zèle des gens religieux, mais au scrupule des hommes d’Etat, un problème politique : le protestantisme devait-il être seulement toléré ou bien, par surcroît, aidé et encouragé ? Convenait-il dans cette France unifiée, où le Roi Très Chrétien prétendait de plus en plus exercer réellement son pouvoir spirituel, d’ouvrir la route à l’extension illimitée de la seconde religion des Français, ou, au contraire, de la contenir et de la limiter à ses positions conquises et confirmées ? L’Edit de Nantes, charte de liberté fort incomplète, on le sait, n’était, ni dans sa lettre, ni dans son esprit, décisif pour obliger, ou même pour engager le gouvernement à des surérogations de bienveillance, tandis que la doctrine traditionnelle de l’unité nécessaire à l’autorité tendait à l’incliner vers la rigueur stricte. Ce que nous prouvent les incertitudes, relativement aux « annexes, » de la jurisprudence du Conseil du Roi, c’est, au moins, qu’il hésita ; mais, de ce qu’après deux ou trois ans de flottement, il résolut le problème par la négative, il ne faudrait pas conclure à une hostilité préméditée et à un parti pris destructeur, que ne nous autorisent pas, non plus, à supposer les mesures générales, même sévères, prises alors contre le protestantisme par le gouvernement de Louis XIII.

Si le Roi, de 1631 à 1633, ordonnait le partage des magistratures municipales ou des collèges dans les villes[1] dont la population se partageait entre les deux cultes, il ne faisait en cela qu’exécuter l’Edit de Nantes, autant destiné, ne l’oublions pas, au l’établissement du catholicisme qu’au maintien du protestantisme. Si, dans le partage des honneurs municipaux, il stipulait pour les édiles catholiques un droit de primauté ou de préséance ; si, dans le partage des collèges, il réservait la fonction de principal à un catholique, il ne faisait que consacrer la subordination hiérarchique, obligée et normale, de la religion « nouvelle » à 1’« ancienne, « de la religion tolérée à la religion officielle du Prince et de l’État. — Si, tout en respectant le

  1. Voir pour toutes ces mesures Bulletin historique du Protestantisme français, t. III. 49. XIV. 307, XXII, 421 et passim ; Drion, Histoire chronologique de l’Église protestante de France.