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pâte ; » qu’ils consentissent volontiers à se découvrir devant le Saint-Sacrement, non sans doute ; et la question des « tentures » et du balayage des rues sur le passage des processions est une des grosses difficultés que les Parlemens ont à résoudre. Mais rares sont les conflits graves qui naissent de ces petites contentions, et les chroniques du temps[1], qui nous font entrer dans la vie quotidienne des villes, ne relatent de ces hostilités menues que des traits fort anodins. Pour la période de 1629 à 1636, je n’en vois d’exemples notables ni à Meaux, ni à Langres, ni à Tours, ni à Chaumont, ni à Meulan, ni à Bordeaux, ni à Montpellier ou même à Nîmes, où quinze ans plus tôt les protestans traitaient de haut et malmenaient assez vivement leurs concitoyens « philistins. » Au contraire, même dans des milieux restés en majorité protestans, les preuves de bonne intelligence ne sont pas rares. A Castres, la commune, de qui, dès 1621, les ecclésiastiques séculiers et réguliers reconnaissaient les bons procédés[2], vote, en 1634, une somme de 12 500 livres aux Dominicains et Franciscains pour la reconstruction de leurs couvens[3]. A Pont-de-Veyle, dans l’Ain, dès 1628, du libre consentement des habitans, les places de professeurs sont partagées par la moitié[4]. Et voici qui est plus significatif. Ce sont les semonces, assez fréquentes alors, des consistoires et des pasteurs aux réformés trop larges qui ne se font pas scrupule d’aller dans les églises, qui se marient avec des catholiques, et, à cet effet, abjurent, sauf à revenir ensuite à leur religion[5] ; qui fréquentent les fêtes, les danses, les assemblées « papistes. » Il n’est pas jusqu’à ce nom de « papiste » qui, à ce moment, ne tombe en désuétude : « les plus sages et les plus modérés de ce temps n’en usent plus ; » — c’est un ancien protestant qui le déclare, — « nonobstant les reproches de leurs ministres[6]. » Les pointes agressives, l’orgueil raide et volontiers dédaigneux

  1. Voyez par exemple le Journal du catholique Messin Bauchez, publié par Abel et de Bouteiller en 1868, et l’abbé Urbain, Nicolas Coeffeteau, p. 100. Cf. pour Nîmes, Germain, Histoire de l’Église de Nîmes, t. II, p. 254 ; l’abbé Azaïs, la Charité à Nîmes (Mémoires de l’Académie du Gard, 1874, p. 65.)
  2. D’après l’Inventaire des Archives communales (AA, 3).
  3. Ibid., BB 17 (1634).
  4. Félice, les Protestans d’autrefois. Éducation et instruction, p. 93.
  5. Voyez Élie Benoit, t. II, p. 580, sur « cette coutume trop bien établie et ce mal trop commun, » contre lequel le clergé catholique proteste comme les pasteurs et qu’il tâche de faire interdire par des intendans. Cf. D’Avenel, III, 413 ; Fagniez, I, 427.
  6. Boulle, opuscule cité.