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unique et distinct. Les habitans, qui y sont divisés, comme en maint pays arabe, en nomades et en sédentaires, appartiennent bien à la même race et parlent bien le même dialecte ; mais les nomades y vivent groupés en tribus, sans cohésion entre elles, ayant chacune son chef respectif. D’autre part, les villes et les villages qui ont des rapports de trafic avec le dehors ont aussi leurs cheïks et leurs sultans. Nulle part, une autorité hiérarchique régulière. Le plus puissant de ces cheïks est celui de Kéchin, ville maritime du Mahra. Cet État s’étend, à l’est, vers l’Oman, jusqu’au golfe de Kourya-Mourya, à l’ouest jusqu’à Makalla, localité située à l’entrée orientale du golfe d’Aden, avec un développement de côtes d’environ 600 kilomètres. Dans toute-cette étendue, chaque cheïk de village reconnaît la suprématie du sultan de Kéchin, mais l’autorité réelle de ce dernier est subordonnée aux moyens matériels qu’il a de l’imposer. Au-delà de Makalla et jusqu’à Aden, il n’y a que des cheïks vivant à l’état isolé et indépendant. On conçoit quelle anarchie régnait sur cette côte et quels conflits s’y succédaient.

La Turquie regardait bien l’Hadramaout comme compris dans les limites de sa domination, mais cette prétention restait plutôt à l’état théorique et aucune action extérieure ne venait l’appuyer ; en réalité, ces États pouvaient être considérés comme indépendans. Toutefois, pour mettre sans doute tous les droits de son côté, le gouvernement britannique commença par engager avec la Porte des négociations : elles aboutirent à son entière satisfaction. En 1873, la Turquie reconnut officiellement à l’Angleterre la possession de neuf territoires arabes qui s’étendent du mont Zey au sud-est de Moka et servent de limite nord-est au territoire des Akhemis jusqu’à la frontière du sultanat d’Oman. C’était tout l’Hadramaout, moins la pointe de Cheïk-Saïd, qui, d’après les Livres Bleus publiés à cette époque, était ainsi dévolu à l’Angleterre. Tout aussitôt, le gouvernement britannique, fort de l’adhésion de la Turquie, s’empressa de traiter avec les chefs locaux. En 1875, le sultan de Kéchin accepta le protectorat anglais moyennant une pension annuelle. L’exemple du sultan de Kéchin fut imité par celui de Makalla, et, par des traités conclus en 1888 et depuis, les Fadsli, les Aulaki, les Wahidi, les Jamada et les Shukaïr, ainsi que les autres tribus situées le long de la côte méridionale d’Arabie, se placèrent d’elles-mêmes sous le protectorat