Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cours du Tigre et de l’Euphrate, opérer une diversion sur les flancs de l’armée ennemie se dirigeant de l’Euphrate sur l’Indus, la prendre à revers et lui couper la retraite.

Le gouvernement britannique conçut dès lors le vaste dessein de réunir dans une commune alliance contre la future agression projetée tous les États riverains du golfe Persique et de la mer d’Oman et tous ceux dont le territoire devait être traversé par l’armée d’invasion. Sur la côte arabique, deux États avaient une organisation politique stable et définie : Koweït et l’Oman. Conquis au commencement du XVIIIe siècle sur les Persans par des tribus arabes de l’intérieur, dont la plus puissante, celle des Atéïbeh, forma le fond de sa population, Koweït s’était constitué, au milieu de l’anarchie générale, qui désolait les rives du golfe Persique, en une sorte de république indépendante ayant à sa tête un cheïk qui y exerçait une suprématie toute patriarcale. C’était un État minuscule, ne comptant pas alors plus de 20 000 habitans ; mais sa position géographique lui donnait une valeur que ne comportaient pas l’exiguïté de son territoire et le petit chiffre de sa population. Placé à quelques kilomètres au sud de l’embouchure de l’Euphrate, à 140 kilomètres à l’ouest de Bassora, à l’entrée d’une baie spacieuse, bien abritée, ayant des mouillages magnifiques et d’un accès facile, le port de Koweït se prêtait on ne peut mieux aux desseins de l’Angleterre. Le gouvernement britannique eut l’habileté de gagner le cheïk et de s’en faire un allié. C’est de son port pris comme base d’opérations que devait remonter le long de l’Euphrate l’armée anglo-indienne qui irait prendre à revers les forces françaises se dirigeant par la Perse sur l’Inde. Il gagna également à sa cause l’Oman.

Cet État s’était formé vers le milieu du XVIIIe siècle dans des circonstances analogues à celles qui avaient donné lieu à la naissance de l’État de Koweït. Dans les temps troublés qui suivirent la ruine de la domination du Portugal et de la domination de la Hollande dans le golfe Persique, un chef arabe, Ahmed-Bou-Saïd, gouverneur de Sohar, chassa les Persans de Mascate et du pays environnant. Il se proclama indépendant en 1749 et réussit par sa bravoure et son habileté à constituer sur la côte arabique du golfe Persique et de la mer d’Oman un grand État politico-religieux. À sa mort, les limites du nouveau royaume avaient été reculées, sur la côte occidentale, au nord jusqu’au