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Faut-il s’élever jusqu’au 305 millimètres et n’avoir alors qu’un petit nombre de pièces, 8 au plus, la proportion du poids attribué à l’artillerie ne pouvant guère dépasser 10 ou 11 pour 100 du déplacement total ?… Mais l’adoption de ce calibre marquerait la persistance d’une prétention bien peu justifiée et qui a fâcheusement pesé depuis quarante ans sur notre concept général du combat, aussi bien que sur l’orientation de nos constructions, celle de rompre les cuirasses de flottaison et d’atteindre, derrière beaucoup d’autres obstacles accumulés, les parties vitales de l’adversaire[1].

Faut-il descendre, au contraire, jusqu’au 194 millimètres et acheter les sérieux bénéfices du nombre des bouches à feu (18 ou 20, sans doute) par l’inconvénient grave d’une certaine insuffisance balistique de leurs projectiles contre les revêtemens de flancs, au cas où les projectiles arriveraient obliquement sur les surfaces visées ? — Ce serait imprudent.

Notre choix ne peut donc hésiter qu’entre les deux calibres de 240 et de 274 millimètres ; et, en vérité, cette hésitation n’existerait pas si nous avions un calibre intermédiaire comme le 254 millimètres anglais, ou si notre 240, quitte à voir diminuer un peu sa vitesse initiale de 800 mètres[2], lançait un projectile aussi lourd que celui du nouveau 240 allemand (215 kilos au lieu de 170). Tenons-nous-en toutefois à cette pièce de 240, qui perce à bout portant 720 millimètres de fer forgé et, aux distances de 3 000 et 4 000 mètres, les plaques de flanc de 150 à 200 millimètres d’acier, les seules que nous prétendions viser, ne demandant à notre artillerie que la désorganisation des

  1. L’objection principale à l’emploi du 305 est celle du poids considérable d’une bouche à feu à qui l’on a donné une longueur de 45 calibres pour obtenir des vitesses initiales exagérées, le projectile restant d’ailleurs plus léger que ceux des canons étrangers du même calibre. On peut concevoir un autre 305 millimètres, ne dépassant pas 30 calibres de longueur et 35 tonnes de poids, au lieu de 50, qui se contenterait de 600 mètres de vitesse initiale, au lieu de 800, mais qui, avec une justesse très suffisante, lancerait un projectile plus long, plus lourd de 25 p. 100, d’une capacité intérieure beaucoup plus grande, susceptible par conséquent d’effets balistiques beaucoup plus étendus.
  2. Il s’agit des 240, modèle 1893, dont voici les caractéristiques principales : longueur d’âme : 40 calibres ; poids de la pièce : 21 tonneaux ; poids de l’affût, châssis, berceau et freins : 14 tonneaux ; poids des plates-formes, tubes, pivots, appareils de pointage, manœuvre et chargement : 38 tonneaux environ ; poids des munitions en comptant 140 coups d’obus de semi-rupture coiffés a 170 kilos : 32 tonneaux environ. Au total : 105 tonneaux à peu près. C’est sur ce chiffre que nous tablerons tout à l’heure.