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peut bien croire que les unités de combat rivales, en face du nom desquelles les divers aide-mémoire inscrivent le chiffre de 19 nœuds, n’en réaliseraient pas plus de 16.

Nous ne pouvons entrer ici dans la discussion des voies et moyens ; nous ne prendrons surtout pas parti entre chaudières à gros tubes et chaudières à petits tubes, encore qu’il nous paraisse difficile de ne pas accepter les dernières, malgré leurs inconvéniens, pour le cas qui nous occupe. La vitesse que nous demandons coûtera cher, au double point de vue du déplacement et du prix de revient, mais moins cher encore que l’excès du cuirassement où se portent nos unités de combat de 1907. Et enfin c’est à ce seul prix que nous obtiendrons des résultats tactiques[1].

Comment nous procurer, maintenant, la supériorité de l’artillerie ? Nous l’avons fait pressentir déjà : par l’application du chargement rapide à la grosse artillerie. De grands progrès ont été réalisés à cet égard depuis quelques années, et nous sommes loin de l’époque où il fallait sept ou huit minutes, dans les meilleures conditions, pour tirer un coup de 420, de 370 ou même de 340 millimètres. Pourtant il y avait encore beaucoup à faire, et ce « beaucoup » vient d’être fait. Nous avons aujourd’hui la certitude, grâce à des procédés d’une remarquable ingéniosité, d’obtenir quand nous le voudrons une rapidité de chargement marquée par un nombre de secondes inférieur à celui qui représente, en centimètres, le calibre de la bouche à feu. Un canon de 24 centimètres, par exemple, peut être chargé en moins de 20 secondes.

Cet avantage n’est pas le seul qu’il dépende de nous d’assurer à notre bâtiment de combat, et l’on doit recommander encore ceux de l’unité de calibre et de l’unité de projectile, auxquels nous tendons et qui mériteraient bien un effort décisif.

Quel calibre choisirions-nous pour la lutte contre les bâtimens de ligne, réservant contre les torpilleurs et « destroyers » un armement spécial de 57 millimètres ou de 65 millimètres modifié ?

  1. On s’est étonné récemment que la plupart des écrivains maritimes considèrent la vitesse comme une faculté plus particulièrement stratégique et on a proclamé qu’elle était aussi une faculté tactique qui devait trouver son utilisation sur le champ de bataille. En effet, cela est possible, mais à la condition que les différences de vitesse entre les deux partis soient très accusées, ce qui, jusqu’ici, n’avait eu lieu qu’au Yalou. En revanche, dans les opérations stratégiques, une faible supériorité de vitesse entraine toujours des avantages sensibles pour qui sait s’en servir.