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été la France. Le partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, la conquête des Indes et de presque toutes les colonies avaient rompu, à notre détriment, l’équilibre général. » Il va ceindre, en conséquence, la Couronne de fer, et il la gardera « tant que la Méditerranée ne sera pas rentrée dans son état habituel. » C’est par ces raisons qu’il motiva son avènement, dans les lettres aux souverains, et qu’il réclama la reconnaissance du nouveau royaume d’Italie[1].

En même temps, il fit sa sœur Elisa princesse de Piombino, commencement d’une féodalité nouvelle, première application d’un système d’apanages, complémens de l’Empire français. Puis, il annonça qu’il se rendrait en Italie pour y organiser le gouvernement et qu’il y ferait un séjour prolongé. Il s’y disposait, en effet, mais à deux fins : celle qu’il déclarait, et l’autre, celle qu’il ne disait point et qui était de détourner l’attention du dessein de guerre, dès lors arrêté dans sa pensée, et qui ne pouvait aboutir qu’à l’été.


V

Ce dessein, l’immense projet, comme il le désigne, il le couve depuis des mois. Il le croit mûr[2]. C’est, par des diversions maritimes simultanées, mystérieuses dans leur objet, déroutantes par leur divergence, d’inquiéter l’Angleterre, de la provoquer, de l’appeler partout, de la disperser sur toutes les côtes de l’univers, des Indes aux Antilles et à l’Egypte. Cependant que, menacée de la sorte, elle se portera partout où elle soupçonnera les Français de l’attaquer, les flottes françaises, obéissant à des ordres concertés d’avance, virant de bord tout à coup, feront voile vers la Manche, où elles rejoindront les flottes de la Hollande et de l’Espagne, et en un nombre tel de vaisseaux et de frégates que, soutenu par cette armada formidable, Napoléon sera le maître du passage, où les Anglais n’auront laissé que des forces insuffisantes.

Le 2 mars 1805, Napoléon mande à Ganteaume, à Brest, d’appareiller le plus rapidement possible, avec ses 21 vaisseaux et ses 6 frégates ; il se rendra au Ferrol, le débloquera, emmènera Gourdon avec 4 vaisseaux, 2 frégates et l’escadre espagnole. Il conduira le tout à la Martinique, où il trouvera Villeneuve et

  1. Au roi de Prusse, 16 mars ; à l’empereur d’Autriche, 17 mars 1805.
  2. A Decrès, 11 avril 1805.