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cette hypothèse, « est autorisé à s’entendre avec Godoy sur la destinée future du Portugal[1]. »

Ce sont, les combinaisons du Comité de salut public, lorsque en 1795, la paix faite avec la Prusse, il se disposait à tomber sur l’Autriche et à forcer l’Angleterre ; ce sont celles du Directoire, en 1796, quand il songeait à lancer Bonaparte sur Vienne par les Alpes et Moreau par le Danube ; ce sont celles du lendemain de Campo-Formio, quand il s’agissait d’envahir l’Angleterre ; ce sont celles du lendemain de Lunéville, et c’est ainsi que l’Angleterre avait été contrainte à la paix d’Amiens. Napoléon y revient, parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de la contraindre et que la paix, rompue par les Anglais, ne peut être renouée, malgré eux, que par les moyens qui, en 1801, les ont obligés à la subir. Avec la même analogie et comme sur le même rythme, se succèdent en Hollande, en Italie, les mesures qui ont, tant de fois, mis les Bataves à la question, révolutionné la Cisalpine et créé, en décembre 1801, la République italienne. La Hollande reçut un « grand pensionnaire, » en attendant un roi.

La République italienne, objet des convoitises de l’Autriche, objectif de ses armées, était la forteresse de la domination française en Italie. Napoléon entendait y concentrer le pouvoir comme dans la France même. Une consulte, réunie à Paris, y travaillait sous sa direction. Le vœu de ces Italiens eût été « que la Lombardie, gouvernée par un prince indépendant, se séparât entièrement de la France, garantie contre les excès du pouvoir du prince par une constitution, contre les abus de la suprématie française par un traité. » Napoléon pensait à la donner à son frère Joseph. Les goûts qu’affecte ce prince pour la liberté, ses sentimens « républicains, » son « humanité » très étalée, son indépendance jalouse, dénigrante même à l’égard de l’Empereur, devaient rassurer les Italiens et sur l’article de la constitution et sur celui de l’indépendance. Pour Napoléon, c’était à la fois un acte de munificence impériale envers Joseph, et une sorte d’ostracisme doré. Il y mettait une condition expresse : Joseph, selon les protocoles d’Utrecht et les précédens des Anjou, pour la France, et des Orléans, pour l’Espagne, renoncerait à toutes prétentions, à tous « droits, » sur l’Empire. Car Joseph

  1. Lettres des 19 et 22 février ; instruction à Junot, 20 février ; note pour Gravina, 30 février. Voyez, dans la Revue du 1er janvier 1893, l’étude de M. le comte Charles de Moûy.