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dant lesquels les confrères parisiens, — le marquis de Fénelon en tête, et M. Vincent, — ne se lassent pas d’importuner les « maréchaux de la Cour, » le Parlement, le roi. En 1653, c’est sur les instances des grands seigneurs, membres ou agens de la Compagnie, qui le pressent, que Louis XIV décide de ne faire grâce à nul duelliste, quel qu’il puisse être, de la peine de mort encourue ; et, lorsque le duel de Brissac et d’Aubijoux vient offrir au Roi l’occasion de sévir, et qu’il hésite, « deux membres de la Compagnie s’en vont partout, « sollicitant » sans pitié, « pour la gloire de Dieu et le salut de la noblesse française, » un exemple[1] de stricte justice.

Mais nul ne comprenait mieux que la Compagnie du Saint-Sacrement qu’ « on ne détruit que ce qu’on remplace, » et ce combat contre l’immoralité sous toutes ses formes se complétait par des projets divers d’éducation ou de réparation morale dont elle réalise un certain nombre.

En 1638, ayant eu l’idée de faire faire « une retraite de quelques jours aux malheureuses qui venaient de faire leurs couches à l’Hôtel-Dieu, » les confrères de Paris recueillirent là sans doute des confidences instructives touchant les occasions où succombaient les filles de campagne égarées dans la grande ville. L’année suivante, la Compagnie décide d’ « envoyer à la descente des coches de province » des personnes chargées de soustraire les filles, arrivant à Paris pour chercher condition, aux « misérables suborneurs qui les attendent, et, sous prétexte de charité, leur offrent retraite[2]. » Dès 1636, elle songeait à fonder une maison de refuge pour les filles repenties ; mais, si elle y réussit à Angers, à Marseille, à Aix, à Lyon, elle n’y peut parvenir à Paris. En attendant, elle s’associe aux efforts déjà faits dans ce sens par Mme de Polaillon et par Mlle de l’Estang ; elle fournit des fonds aux maisons où ces dames recueillent les filles du peuple dont les mères ont failli ; elle y fait admettre, en outre, des orphelines, et sagement elle pousse au développement, dans ces asiles, de l’éducation manuelle et de l’enseignement des métiers féminins[3]. Elle subventionne aussi, et elle patronne, ces sortes de couvens ouvriers où le célèbre Henry-Michel Buche faisait vivre des cordonniers et des tailleurs dans la fraternité évangé-

  1. Allier, p. 329-330. Voir tout le chapitre.
  2. D’Argenson, p. 84.
  3. D’Argenson, 1636, 1640, 1655, etc.