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cette proposition, adoptée, eut « de grands succès[1]. » Dans le même sens, elle rêvait, lorsqu’elle mourut, mieux encore. « Afin d’empêcher les usures » qui rongent les familles[2], elle étudia à plusieurs reprises le projet de constituer « une Société assez puissante pour prêter charitablement et sûrement » aux nécessiteux.

Ces « misérables, » qu’elle s’efforçait de tirer de la détresse, elle les suit une fois tombés sous le coup de la loi et les défend contre les rigueurs de la législation pénale, alors dure, et souvent aggravée, dans l’exécution, par l’arbitraire. « Dès les derniers mois de 1630, avant même les négociations infructueuses avec l’archevêque de Paris[3], » elle avait commencé à s’occuper des galériens. La première chose qu’elle gagne, c’est, en payant la solde de quatre gardiens, que l’on fasse « prendre l’air » aux forçats qui, « ne sortant plus des basses-fosses, pourrissaient tout vivans. » Elle demande qu’on les soigne lorsqu’ils sont malades, commet des gens qui leur fassent tenir « remèdes et bouillons » et qui vérifient si les aumônes qu’on leur destine arrivent à leur adresse. Puis, plus exigeante, elle voudrait qu’on détachât de la chaîne ceux qui tombent malades en route et qu’on les fit monter en « charrette. » Puis, à ceux qui attendaient à Paris, dans la tour Saint-Bernard[4], le départ de la triste caravane, elle fait délivrer, à partir de 1634, « un extrait de leur condamnation, portant le temps de leur peine, » de peur que les geôliers, faute de le marquer à leur arrivée, ne les retiennent plus longtemps que ne portait l’arrêt. La même année, elle suggère au procureur général de faire une enquête sur la cherté des vivres qu’on leur « survendait » scandaleusement. Plus tard, ayant appris qu’indûment on extorquait trente livres à tout galérien qui bénéficiait d’une commutation de peine, elle fait, grâce à l’entremise de la duchesse d’Aiguillon, abolir cet abus. Dans cette surveillance bienfaisante des galères, les Compagnies d’Aix, de Toulon, de Marseille, — celle-ci qui fonde l’hôpital spécial des galériens, — rivalisent avec la Compagnie de Paris[5].

  1. D’Argenson (1666), p. 181.
  2. Ibid. (1664), p. 233.
  3. Allier, p. 51.
  4. Située à la porte du même nom, qui existait à l’endroit « où se rencontrent aujourd’hui la rue des Fossés-Saint-Bernard, le boulevard Saint-Germain et le quai de la Tournelle. » Alfred Franklin, Les anciens plans de Paris, t. I, p. 108.
  5. Allier, p. 54 ; D’Argenson, p. 101.