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III. — LES ŒUVRES DE LA COMPAGNIE

« Empêcher tout le mal, procurer tout le bien, » c’est en ces termes que la Compagnie du Saint-Sacrement avait coutume d’exprimer son ambition. Or, si présomptueuse que cette ambition puisse paraître, il faut avouer que, dans la mesure du possible, elle parvint à la remplir. Et l’historien, très exact, mais plutôt sévère, qu’elle vient de trouver, reconnaîtrait aussi volontiers que son panégyriste d’autrefois qu’elle avait « l’œil à tout » et que « nuls besoins n’échappaient à ses soins et à sa vigilance. »

Les besoins matériels, d’abord.

Dès la « supériorité » du duc de Ventadour, pendant que l’on en était encore à établir solidement la Compagnie, » elle commence de travailler au soulagement des « pauvres mendians de Paris. » Et quoique, dans leur état, ce soit surtout « la désolation des âmes » qui l’émeuve, il s’en faut qu’elle oublie les corps. Si elle recommande à ses visiteurs d’hôpitaux de faire confesser et baptiser, elle leur prescrit aussi de tenir la main à ce « que les religieux soignent et habillent les petits enfans des femmes malades, parce qu’il en mourait un grand nombre de croupir longtemps dans leurs lits. » En 1636, elle fait « taxer » la viande « au profit des pauvres malades. » Dès 1632, elle avait épuisé son « coffret, » que plusieurs fois elle endettera, malgré les règles de prévoyance qu’elle s’impose souvent et qu’elle viole toujours.

C’est que la Compagnie de Paris, — pour ne parler que d’elle, — ne limite pas sa charité à Paris. En 1627, à la misère endémique dont le bas peuple de presque toutes les villes de France et la presque-totalité de la population rurale souffraient depuis la fin du XIVe siècle, s’était ajoutée la peste, qui dura jusqu’en 1632. Puis, en 1636, la guerre, l’invasion. Puis, de 1642 à 1653, la surcharge croissante des impôts et la guerre civile. Puis, en 1659, 1660, 1662, la famine. Durant ces trente-cinq ans d’épreuves différentes et continues, la Compagnie de Paris s’occupe aussi des environs de Paris et des provinces les plus éprouvées : Champagne, Lorraine, Picardie. Ce qui ne l’empêche pas de pourvoir à d’autres nécessités extraordinaires ou lointaines : à l’Hôtel-Dieu d’Angoulême, aux pestiférés de Toulouse, aux pauvres Espagnols