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LA JEUNESSE DE MIRABEAU[1]

A la minute précise où la Révolution prend conscience d’elle-même, un personnage surgit au premier plan dans l’éclat de sa laideur monstrueuse et magnifique, s’impose par la puissance de son geste théâtral, domine le tumulte par le tonnerre de sa voix. Héraut de la Révolution, il la précède et il a l’air de la conduire. Deux années ne se sont pas écoulées, les funérailles pompeuses qui se déploient en l’honneur de Mirabeau parmi les mêmes rues où la veille on criait la nouvelle de sa grande trahison ne sont que l’hommage rendu à la mémoire déjà obscurcie d’un homme qui a eu le temps de se survivre. Soudaine apparition, suivie d’une disparition aussi brusque. Il semble que les circonstances aient suscité celui dont elles avaient besoin, pour le rejeter bientôt, n’en ayant plus que faire. Mais les circonstances n’ont pas le pouvoir de créer. Rien ne s’improvise. Mirabeau n’improvise pas ses discours, écrits d’avance, et souvent pillés chez autrui ; il n’improvise pas ses idées politiques, qu’on retrouverait toutes exposées et développées dans ses mémoires, lettres, compositions et compilations antérieures. De même, le choix de son attitude à l’instant décisif, la nature de son action personnelle, le caractère de sa conduite et de son rôle sont déterminés

  1. Sophie de Monnier et Mirabeau, d’après leur correspondance secrète inédite (1775-1789), par Paul Cottin, 1 vol. in-8o (Plon). — Mirabeau, Lettres à Julie, publiées et commentées d’après les manuscrits originaux et inédits par M. Dauphin Meunier, avec la collaboration de M. Georges Leloir (Plon). Cf. Mirabeau, par M. Edmond Rousse (Hachette), 1891. — Les Mirabeau, par Louis de Loménie, 2 vol., 1878. Ouvrage continué par M. Ch. De Loménie, 3 vol. 1889-1891 (Dentu). — Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau, publiés par Lucas de Montigny, 8 vol., 1834