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ennemis mêmes par une austérité sans reproche, — les vieux ordres étaient fort déchus. Si fort qu’en 1622, l’évêque de Paris, Henri de Gondi, n’avait pas de peine à obtenir de la piété scandalisée de Louis XIII qu’on entreprendrait une réforme générale de tous les couvens. Cette réforme, confiée au cardinal de La Rochefoucauld assisté de quatre prélats et de huit conseillers d’État ou maîtres des requêtes, se poursuivit de 1623 à 1638[1], et, durant cette période, tout indique que les réguliers étaient pour ainsi dire sur la sellette. C’est alors que le très catholique Parlement de Rouen s’avise avec effroi que les congrégations ont dans ces dernières années pullulé plus que dans le courant de plusieurs siècles[2]. Le gouvernement, malgré les sentimens religieux de Louis XIII, d’Anne d’Autriche, des chanceliers alors aux affaires, apporte désormais des restrictions défiantes aux autorisations que, quinze ans plus tôt, il prodiguait[3]. Richelieu, dans le mémoire secret que nous citons plus haut, ne parle de rien moins que de fermer, « sans exception quelconque, tous les monastères de filles[4]. » En sorte qu’à tous les inconvéniens que nous venons de voir s’opposer à l’efficacité de l’action régénératrice des congrégations au sein du catholicisme français, s’ajoutait, dans le temps où la Compagnie du Saint-Sacrement se fonda, une sorte de discrédit.

Ainsi donc, il s’en fallait de beaucoup que l’extension des ordres monastiques suffit à satisfaire les catholiques inquiets des intérêts délaissés de l’Église, à compenser la torpeur persistante des prélats et l’indifférence égoïste de l’État, à assurer toute seule cette réforme des abus ecclésiastiques et ce renouveau de l’activité, défensive ou créatrice, du catholicisme, dont on attendait, en vain, depuis si longtemps, la manifestation

  1. D’Avrigny, Mémoires chronologiques, t. Ier, p. 314 et suivantes. Caillel, L’administration de Richelieu, t. Ier, p. 164, etc.
  2. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. IV, p. 430-434. Cf. Inventaire des Archives communales de Dijon, B. 269. A Beauvais, au contraire (1619-1622), c’est la municipalité qui résiste à l’établissement des Ursulines protégées par le Roi. (Rose, Archives communales de Beauvais, p. 30).
  3. Carro, Histoires de Meaux, p. 521. Il résulte d’une lettre du garde des sceaux Marillac à Mathieu Molé (29 juill. 1628, Mémoires de Molé, édition Champollion-Figeac, t. 1er, p. 516), que l’on avait accordé, « il y a quinze ans, » aux Augustins déchaussés la permission de « s’établir partout où bon leur semblerait dans le royaume, » mais « le Roi ne veut plus, — ajoute-t-il, — que j’accorde de ces remissions générales, mais seulement des particulières, où je vois le consentement de l’évêque et des habitans, » c’est-à-dire « des maires et échevins. »
  4. Avenel, Papiers d’État de Richelieu, t. II, p. 74.