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s’exclamèrent et où il faisait déclarer au Roi sa volonté de n’employer à l’égard des Réformés que « toutes bonnes voies de douceur, en attendant, » patiemment, « qu’il plût à Dieu de les illuminer ; » — cette année où il travaille à détacher de l’Empereur les Electeurs catholiques et à donner le meilleur chef possible à la coalition des Allemands protestans[1] ; — cette année où, ayant convoqué une assemblée de Notables, il l’entretient de finances, de police, de guerre et de marine, sans dire un seul mot, je pense, de cette réforme ecclésiastique que les assemblées précédentes mettaient toujours en tête de leur programme ; — cette année enfin, où, malgré toutes ces païennes audaces, Richelieu voit son crédit auprès de Louis XIII s’affermir de plus en plus et défier la cabale[2], fut précisément celle où, dans l’esprit d’un grand seigneur de piété exaltée et combative, le duc de Ventadour, germa l’idée d’un « comité d’action catholique, » — pour employer, avec M. Allier, une expression moderne, mais exacte, — l’idée d’une association qui vînt au secours de l’Eglise, de plus en plus négligée et trahie. Et, si rien ne nous autorise à dire que le cardinal de Bérulle, — qui, favori de la Reine mère, travaillait alors plus que jamais à renverser Richelieu, — ait fait partie de la Compagnie du Saint-Sacrement naissante, tout nous permet de supposer qu’il la connut et l’approuva, puisque son ami et confident intime, son « directeur de conscience, » le P. De Condren, y adhéra des tout premiers. Et ainsi la fondation de la Compagnie du Saint-Sacrement risque, très vraisemblablement, d’avoir été liée avec la politique générale du parti catholique d’alors. Les chefs de ce parti, mystiques autant qu’hommes d’Etat, virent sans doute en elle, avec un espoir joyeux, un complément admirablement conçu des efforts que l’initiative individuelle, à défaut de l’Etat et des évêques, avait tentés, en vue de purifier la vie intérieure et de fortifier l’expansion extérieure de l’Eglise.

Ces efforts s’étaient traduits principalement, on le sait, par la multiplication des établissemens monastiques, qui fut prodigieuse dans les vingt dernières années du XIVe siècle et les vingt-cinq premières du XVIIe, surtout aussitôt après la mort de Henri IV. On a évalué à près de 15 000 les couvens existant en France

  1. Fagniez, t. Ier, p. 265, 272, 274.
  2. Marius Topin, Louis XIII et Richelieu, p. 61 et suivantes. Fagniez, ouvrage cité, t. Ier, p. 163.