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révolutions ; et c’était là une telle étrangeté historique, qu’au moment où les croyans professaient, de plus en plus fervente, la religion de la Papauté, un certain nombre d’incroyans en avaient, si l’on peut ainsi dire, la superstition. Champions du relatif en politique, ils se tenaient comme en arrêt devant cette suprême et vivante incarnation de l’absolu.

En 1894, le dimanche même de la clôture des fêtes jubilaires, on lisait sur les murs de Rome cette affiche : « Peuple, l’heure est sonnée ; le Parlement rentre ; c’est l’heure de rendre des comptes ! Lire le Don Quichotte pour le compte rendu. » Cette plaisanterie d’un journal, qui semblait presque provoquer une émeute et n’invoquait qu’une clientèle, empruntait aux circonstances je ne sais quoi d’éloquent. Le souverain que la foule venait d’acclamer dans Saint-Pierre, et qui pour de longs mois rentrait dans sa réclusion du Vatican, incarnait une puissance qui ne rend pas de comptes. Pour lui, l’heure de la responsabilité ne serait jamais sonnée par les hommes ; elle ne le pouvait être que par Dieu. Elle a sonné, cette heure, le 20 juillet dernier, et la reconnaissance émue des peuples, durant les attentives anxiétés de la longue agonie, avait d’avance rendu les comptes à Dieu, pour le Pape qui s’éteignait.