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ce que M. Loubet, rendant au roi la visite que celui-ci lui avait faite il y a deux mois, rencontrerait de l’autre côté du détroit un accueil courtois et empressé ; mais il semble qu’il y ait eu davantage dans les fêtes de Londres, et qu’elles aient échappé au caractère un peu banal qu’ont parfois ce genre de solennités. La France en a été vivement touchée. Évidemment, l’Angleterre a voulu lui donner une marque publique et éclatante de sympathie. Les manifestations de celle nature sont toujours les bienvenues : mais elles le sont encore davantage lorsque, pour des motifs quelconques, il s’est produit quelques malentendus qui ont laissé un peu de gêne et d’embarras, sinon de froideur, entre deux peuples qu’aucun conflit d’intérêts essentiels ne sépare et qui désirent entretenir des relations amicales.

Tel est le cas de la France et de l’Angleterre. Dans les deux pays, tous les hommes raisonnables, c’est-à-dire la grande majorité, entendent vivre en bons voisins. Nous avons besoin les uns des autres, les Anglais et nous, et, le jour où nous nous brouillerions sérieusement, ce serait un immense malheur. Ce jour n’est pas près d’arriver. A dire vrai, nous n’en doutions pas ; mais des voyages comme ceux d’Édouard VII à Paris et de M. Loubet à Londres sont de nature à donner de plus à tout le monde l’impression qu’une sincère et solide amitié peut et doit régner entre nous. Le roi Edouard gardera le mérite d’avoir fait auprès de nous la première démarche ; nous lui en resterons reconnaissans.

Il semble d’ailleurs peu probable, quoi qu’en disent certains journaux, que le voyage de M. Loubet, bien que M. le Président de la République ait été accompagné par M. le ministre des Affaires étrangères, ait amené un échange de vues et un accord définis entre les deux gouvernemens. Le Times est de cet avis, et il l’exprime en style pittoresque. « Les deux nations, dit-il, se rencontrent comme des gentlemen qui ont des domaines contigus et non comme des brocanteurs qui se livrent à des transactions commerciales. » M. Delcassé a eu une conversation avec lord Lansdowne, ce qui est fort bien ; il est excellent que les ministres des Affaires étrangères de deux grands pays se connaissent personnellement. Pour la politique courante, les ambassadeurs suffisent, surtout lorsqu’ils s’appellent M. Paul Cambon et sir Edmund Monson. La haute distinction dont M. Cambon vient d’être l’objet montre qu’il a toute la confiance de son gouvernement, et certainement il la mérite. Nous ne croyons donc pas qu’une entrevue relativement courte entre deux ministres puisse avoir des suites bien importantes ; mais ce n’est pas ce que