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Grande-Bretagne un danger, et un motif de plus de resserrer son union avec ses colonies, mais c’est aussi un motif d’espérer en la durée de son empire, qui ne semble plus, comme il y a trente ans, une survivance chancelante d’âges disparus. En un monde renouvelé par les communications rapides, l’immensité de la surface et de la population ne paraît plus un obstacle à l’établissement d’Etats solides et bien organisés, comme le prouve l’exemple de l’Empire russe et de l’Union américaine. Et si les territoires de l’Empire britannique ne sont pas contigus, mais séparés par de vastes étendues de mer, qu’importe, du moment qu’il est maître de ces mers ? Tant qu’il le restera, la mer, qui unit plus qu’elle ne divise, qui favorise le bon marché, sinon la rapidité des transports, ne nuira pas à son unité, mais lui assurera, au contraire, une cohésion comparable à celle des grands États terriens et que ne saurait posséder aucun autre Empire colonial.

Tels sont, au triple point de vue économique, militaire et politique, les fondemens de l’impérialisme. En appliquant ses doctrines, les Anglais espèrent adapter leur pays au milieu actuel, de manière à lui conserver, dans les conditions présentes du monde, et à augmenter, s’il est possible, la puissance qu’il avait acquise, en des conditions différentes, au siècle dernier. L’entreprise est-elle ou non chimérique et les moyens qu’on prétend employer sont-ils les plus propres à en assurer le succès ? Elle est grandiose, en tout cas, et l’on conçoit qu’elle ait séduit un peuple qui ne veut pas se résigner à déchoir.


II

Les colonies ont été impérialistes avant la métropole. Jeunes et faibles comme elles l’étaient au milieu du XIXe siècle, l’indépendance, à laquelle les poussait une grande partie de l’opinion anglaise, ne les séduisait pas ; elles en sentaient alors tous les périls. Elles n’ont plus aujourd’hui un tel sentiment de leur faiblesse ; certes elles sont fières d’appartenir au plus vaste empire du monde, dont elles s’exagèrent encore la puissance et la richesse, dans leur ignorance de tout ce qui n’est pas anglais ; mais elles se voient elles-mêmes avec des yeux plus complaisans encore qu’elles ne voient l’Empire britannique. Elles sont assez portées à s’exagérer leurs forces, à trop vouloir far da se, à se croire en état de résister seules aux redoutables ennemis, dont