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les plaintes soient écoutées, qu’elles soient toutes recevables, et que, d’autre part, les magistrats et les fonctionnaires soient protégés contre la témérité des plaideurs ; la solution ne serait-elle pas de demander la protection nécessaire, non à des fins de non-recevoir, mais à la qualité de la juridiction saisie ?

Au cours d’une instruction criminelle, nous l’avons dit, tous les recours doivent être portés devant la Chambre du conseil et en appel devant la Chambre des mises en accusation.

En dehors d’une instruction criminelle, comment peut-on organiser un recours rapide et efficace contre tout acte constituant une atteinte à la liberté ?

En matière civile, nous avons une procédure admirable : le référé. Tout citoyen, troublé dans sa propriété, sous une forme quelconque, par un fait brutal ou par une simple menace, peut aller sur-le-champ en référer au président du tribunal. Non seulement il assigne du jour au lendemain, et, sans remise, audience lui est accordée, mais, si l’urgence est absolue, si l’objet va périr, il peut assigner d’heure à heure et se présenter au domicile du président, qui, à toute heure, rend l’ordonnance protectrice. On parle des lois étrangères ; nous n’avons rien à envier à nos voisins, quand on examine cette jurisprudence salutaire, que le Code a brièvement indiquée, qui est née à Paris de vieux usages intelligemment développés[1] et qui est, à vraiment parler, l’Habeas corpus des droits civils.

Pourquoi ne pas s’inspirer d’un tel modèle ? Oserait-on dénier à la liberté individuelle les garanties qu’on accorde à une propriété menacée de ruine ? Refuserait-on au président du tribunal d’intervenir en cas d’urgence ? La contrainte par corps supprimée depuis 1867, en matière commerciale, avait investi le président d’attributions protectrices dont il est à propos d’évoquer le souvenir. Tout débiteur arrêté avait le droit d’exiger que ses gardes le menassent sur-le-champ au Palais de justice à l’audience des référés et le Code de commerce ajoutait : « Si l’arrestation est faite hors des heures de l’audience, le débiteur arrêté sera conduit chez le président (art. 786). » En 1832, le Parlement jugea ces garanties encore insuffisantes et vota une

  1. C’est à un grand magistrat, le président de Belleyme, que notre pays doit la formation de cette jurisprudence et la protection de nos droits. De 1828 à 1855, il n’a cessé d’appliquer et d’étendre l’usage du référé, qui est entré peu à peu dans nos mœurs.