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à propos des congrégations d’hommes a été suivi de point en point. Le gouvernement et la Commission ont présenté à la Chambre un projet de loi visant à la fois toutes les congrégations enseignantes. Le texte du projet portait approbation des demandes d’autorisation, mais l’exposé des motifs et les discours conseillaient de les rejeter : détour ingénieux pour échapper à l’obligation de porter la loi devant le Sénat. Cette obligation est pourtant inscrite dans la Constitution ; mais, lorsque la Constitution est une gêne, on la viole ou on la tourne. Quelle sera maintenant la conséquence de cette loi qui, votée par une seule des deux Chambres, n’en est pas moins définitive ? C’est que le gouvernement fermera les maisons d’école appartenant aux congrégations supprimées. Les exécutions ne s’arrêteront pas là, car les congrégations autorisées ont, elles aussi, ouvert un grand nombre d’établissemens particuliers, qui sont en instance devant le Conseil d’État pour obtenir par décret le droit de vivre. Le Conseil d’État vient de montrer, en rejetant les recours qui lui avaient été adressés par quelques établissemens indûment fermés par M. Combes, qu’il était aux ordres de celui-ci et qu’on aurait tort de compter dorénavant sur l’indépendance qu’il avait quelquefois montrée à une autre époque. Les écoles d’hommes ont été fermées hier, les écoles de femmes le seront demain, et non seulement celles qui appartiennent réellement à une congrégation, mais encore celles dont les directeurs et les propriétaires auront eu l’imprudence d’y introduire un congréganiste, oui, un seul congréganiste, ce qui prouve une fois de plus, — et nous allons avoir l’occasion d’y revenir, — qu’on poursuit avec la même intolérance les congréganistes, à titre individuel, que les congrégations à titre collectif.

Nous avons auparavant à dire un mot du Livre Jaune publié par M. le ministre des Affaires étrangères, parce qu’il se rapporte, au moins dans sa partie finale, à la question des établissemens scolaires appartenant à des congrégations. C’est une singulière histoire ; elle est même amusante dans son origine. Il n’est pas d’usage que notre gouvernement publie un Livre Jaune sur ses négociations avec le Saint-Siège ; cela ne s’était pas encore vu. Aussi n’est-ce pas M. Delcassé qui a pris spontanément l’initiative de cette publication ; mais les radicaux l’ont exigée de lui impérieusement ; ils espéraient y trouver des armes contre le Saint-Siège et s’en servir pour préparer la séparation de l’Église et de l’État, devenue ou redevenue un des points de leur programme qu’ils sont le plus pressés de réaliser. Grande a été leur déception. Depuis que le Livre Jaune a paru, ils gardent sur lui