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offrant l’attrait de conditions originales, — d’un site pittoresque, d’une installation exceptionnelle, d’une interprétation inédite, etc. : toutes conditions que je ne puis examiner ici, l’ayant déjà tenté ailleurs[1], mais qui constituent les données d’un problème intéressant et ardu : quiconque entreprend de le résoudre devra les avoir examinées résolument.

Et maintenant, ayant laissé entrevoir la conception idéale d’une œuvre qui, même si on la jugeait chimérique, ne paraîtra cependant pas méprisable ni indigne du génie français, je n’éprouverai point d’embarras à parler ici de la première tentative faite pour la réaliser, — si éloignée de cet idéal, si modeste et si imparfaite qu’on en puisse juger encore la réalisation. Il ne m’en coûte pas de considérer les résultats atteints par le théâtre de Bussang, au bout de huit années d’efforts de plus en plus prospères, comme des études et des expériences ne prétendant à aucun caractère définitif, sujettes au tâtonnement et à l’erreur. Nous ne nous arrêterons sur ces tentatives, désormais accomplies et sur des œuvres qui sont déjà derrière nous, que pour essayer d’y trouver quelques indications utiles, en vue des œuvres à venir.


III. — LE THÉATRE DU PEUPLE, TEL QU’IL EXISTE

I. — Le décor. Le Théâtre de Bussang a réservé à la nature un rôle important dans les spectacles qu’il donne : de là vient qu’il m’a paru bon d’insister, d’abord, sur la description du pays où il était né. Rappelons brièvement que la scène est dressée sur un palier naturel formé par la montagne à laquelle elle s’adosse. Le fond peut s’ouvrir, par des panneaux mobiles, sur le décor naturel des arbres et des champs. Trois galeries de bois, en style forestier, abritent une partie des spectateurs, laissant entre elles un parterre à découvert, sur lequel est tendu un grand vélum. Le verger qui entoure le théâtre sert de promenoir pendant les entr’actes. D’un balcon accroché à la tribune, les spectateurs peuvent embrasser du regard la chaîne orientale des Vosges, entre deux des sommets les plus élevés, le Ballon de Servance et le Drumont. Les représentations ont lieu deux ou trois fois par an, au mois d’août ou de septembre, un dimanche

  1. Étude sur le théâtre populaire à Paris, dans le volume : Le Théâtre du Peuple, renaissance et destinée du Théâtre populaire.