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III

Le second personnage représentatif du Broad church, dans Oxford, à cette époque, était Jowett[1]. Né en 1817, de deux ans plus jeune que Stanley, il n’avait pas la grâce aristocratique de ce dernier, sa brillante souplesse, son imagination pittoresque ; mais, pour avoir moins que lui la faveur du public mondain, il avait peut-être une action plus profonde sur la jeunesse universitaire ; non qu’il fût un grand scholar, un penseur puissant ; mais il était un lettré distingué, un critique aiguisé, et surtout un éducateur habile et influent. Stanley, avec lequel il entretenait d’étroites relations, se plaisait à reconnaître qu’il avait beaucoup appris de lui.

Arrivé à Balliol en 1836, de famille et de fortune très modestes, Jowett y avait eu des succès ; il se montrait alors assez réservé, un peu timide, bien que déjà d’idées fort indépendantes. En dépit d’une courte et légère velléité newmanite[2], sa tendance était ouvertement latitudinaire. Devenu tutor en 1842, il trouva, dans ces fonctions, occasion de manifester et de développer ses dons d’éducateur. Son action sur ses pupilles tenait non seulement à ses qualités intellectuelles, mais à l’intérêt qu’il leur témoignait, à son souci de tirer de chacun d’eux tout ce qu’il pouvait donner, et aussi à une sorte de candeur, d’ingénuité, qui se mêlait à son scepticisme.

Avant même d’avoir encore rien publié, Jowett était déjà suspect ; il s’en aperçut quand, en 1854, ayant brigué la place de « maître » de Balliol, il se vit préférer un candidat plus orthodoxe. Il en garda du dépit. L’année suivante, en même temps que Stanley publiait son Commentaire sur les Epîtres de saint Paul aux Corinthiens, il en fit paraître un sur les Epîtres aux Thessaloniciens, aux Galates et aux Romains. Comme son ami, il était l’écho de la critique allemande, sans faire plus que lui preuve d’une érudition originale. Seulement sa forme était plus sèche, plus didactique, plus doctrinaire, et elle parut plus offensante aux traditionnels. Il avait, en outre, inséré dans ce livre un essai sur l’Atonement qui contredisait les idées courantes de

  1. Voir Life and letters of Benjamin Jowett, par Abbott et Campbell, 2 vol., et Benjamin Jowett, Master of Balliol, par Tollemache, 1 vol. Voir aussi, dans le Contemporary de juin 1897, un article du docteur Fairbairn.
  2. Renaissance catholique en Angleterre, 1re partie, p. 161.