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Nord ou plus au Sud. La température y est uniformément chaude et lourde ; les pluies y tombent avec abondance toute l’année. Et l’on voit presque toujours dans l’air de gros orages qui se forment, d’épais nuages noirs qui s’amoncellent et finissent par se résoudre en torrens d’eau. Ce doit être, à la longue, un des climats les plus pénibles et les plus anémians du monde. Mais les arbres, les herbes, les lianes et les fougères s’en trouvent bien. Tout cela pousse pêle-mêle avec une vigueur folle, recouvrant ce qui n’est pas cultivé, et pour ainsi dire défendu chaque jour, d’un impénétrable manteau.

Dans la ville chinoise aux maisons peintes en bleu, règne une grande activité. Tous les métiers se donnent rendez-vous dans les échoppes et sous les arcades. D’innombrables fils du Ciel traînent, en courant, de petites voitures. Ils sont vêtus d’un mauvais caleçon de toile, ont les jambes et le torse nus ; leur peau brune ruisselante de sueur étincelle au soleil. De tout cela monte, avec une particulière intensité, cette odeur spéciale qui nous accueillit à l’arrivée, et dont les relens fades viennent, la nuit même, par les hublots ouverts, troubler notre sommeil. Il faut s’y faire : nous aurons plus tard, dans les rues de Canton ou de Fou-Tcheou, l’occasion d’aspirer des parfums plus violens encore.

Singapore est vraiment, comme on l’a dit, la porte de l’Extrême-Orient. C’est un avant-goût de Hong-Kong et de Shangaï ; c’est le trait d’union entre l’Inde et la Chine. Toutes les races semblent s’y donner rendez-vous. Le marchand parsi est encore installé dans le hall des hôtels ; de grands et maigres hindous, drapés d’étoffes claires, errent sur les quais du port, et dans certaines rues de la ville, le Japon fait son apparition sous forme de mousmés grasses qui, du pas de leur porte, lancent des œillades aux passans.


MARSAY.