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l’Italie, la plupart des parens adopteraient la première. L’annonce de ces mesures provoqua, à La Valette, le plus vif mécontentement : les Maltais, proches voisins de la Sicile et des provinces méridionales de la péninsule, ont nécessairement, avec elles, de fréquens rapports commerciaux ; l’Italie est, en quelque sorte, leur métropole intellectuelle. D’ailleurs, c’est surtout le fait que l’on changeait quelque chose à ses institutions traditionnelles qui soulevait l’indignation de la population. De nouveaux incidens survinrent qui entretinrent l’agitation et aggravèrent les difficultés. Le serment prêté par Édouard VII à son avènement où, selon l’antique formule, le Roi jura de combattre la superstition catholique, blessa au vif les sentimens des Maltais. Pour comble, on apprit un jour que, par ordre gouvernemental, la nouvelle voie qui va de la « Porta Rereale » à la Floriana porterait le nom de « Chamberlain-Avenue. » Les Maltais y virent une provocation et une vengeance du ministre qu’ils appellent volontiers leur tyran. Les membres élus du Grand Conseil protestèrent et, pour témoigner quand même de leur loyalisme, ils proposèrent de donner à l’avenue le nom du duc d’York, dont on annonçait la prochaine arrivée. Cette visite du duc et de la duchesse d’York, le 25 mars 1901, fut, pour le Grand Conseil[1], une occasion de manifester sa mauvaise humeur ; il vota bien 500 livres pour les frais de la réception princière, mais il en profita pour formuler ses doléances et pour se plaindre que la métropole ne s’occupât des Maltais que pour les molester ; les fêtes officielles furent brillantes, mais la population s’abstint ce jour-là, — nous en avons nous-même été témoin, — des vivats et des applaudissemens dont elle est ordinairement si prodigue.

Pour protester contre les mesures relatives aux langues et contre les nouvelles taxes imposées par le gouvernement, le Conseil législatif recourut à l’obstruction ; le Colonial-Office, en réponse, au nom des intérêts généraux de l’Empire compromis par cette agitation, intolérable dans une forteresse, usa du droit de légiférer par voie d’Ordres en Conseil que lui donne, dans les circonstances critiques, la constitution maltaise de 1887. Malte, en fait, se trouvait placée sous le régime arbitraire des décrets.

  1. Le gouverneur est assisté d’un Conseil exécutif et d’un Conseil législatif, composé de six membres nommés et de quatorze membres élus par un suffrage restreint.