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peuple interviennent dans la direction et l’exécution même des opérations, soit en leur propre nom, soit au nom du Comité de salut public.

Immédiatement après la révolution de Thermidor et la chute de Robespierre, les représentans à l’armée des Alpes, Salicetti, Albitte et Laporte, écrivent, le 6 août 1794, à la Convention, pour dénoncer leur collègue Ricord et le général Bonaparte :

« La tête du tyran (Robespierre) est tombée et le voile se déchire… Il faut que vous sachiez que Buonaparte et Ricord lui-même ont avoué à Salicetti qu’on ne ferait que semblant d’attaquer Cony, mais qu’il n’en fallait rien dire aux représentans… On voulait préparer des revers à l’armée des Alpes.

« Tel est, citoyens, le plan bien connu aujourd’hui de Robespierre (le jeune) et de Ricord : il cadre parfaitement avec tous les mouvemens de l’ennemi. Buonaparte était leur homme, leur faiseur de plans auxquels il nous fallait obéir. Buonaparte s’est rendu à Gênes, autorisé par Ricord. Pourquoi ?…

« Il importe d’abord d’écarter Ricord et Buonaparte ; nous allons prendre sur nous de nous assurer de leurs personnes et de leurs papiers, et de vous les envoyer à Paris. »

Bonaparte est en effet arrêté ; mais bientôt la correction de sa conduite est démontrée, par les papiers saisis chez lui. Il est relâché.

Quelques mois auparavant, en mars 1794, le général Hoche avait été enlevé à l’armée de la Moselle sur la plainte des représentans du peuple. On n’avait pas osé l’arrêter au milieu des troupes qu’il venait de conduire à la victoire, et on l’avait expédié en Provence, sous le prétexte de lui donner le commandement de l’armée d’Italie. Dès son arrivée, on l’avait arrêté et envoyé à la Conciergerie. Il ne fut sauvé que par la révolution de Thermidor.

Pendant que les représentans du peuple font cette besogne au nom du Comité de salut public, les ministres ont eux aussi leurs agens sur les lieux. Au commencement d’octobre 1793, le ministre de la Guerre prévient le Comité de salut public que ses agens à l’armée des Alpes sont les citoyens Chevrillon et Prière. Ce dernier, Prière, écrit au ministre, dès le 3 octobre, dans une lettre datée de Digne, et avec une orthographe de cuisinière, pour lui parler un peu de tout, même des cloches des églises, « qu’il fait dessendre d’après le décret… et qui descendes. »