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tiendrait du caprice, et la seconde servirait seulement à expliquer le départ du ministre dont le prince avait à se plaindre. Il reste dans cette révolution de palais quelque chose de mystérieux, et, comme on s’inquiète toujours de ce qu’on ne comprend pas, les nouvelles de Sofia ont causé quelque préoccupation à l’Europe. Le prince a combattu ce sentiment en multipliant les assurances pacifiques : il n’y a aucune raison de croire qu’elles ne soient pas sincères.

Le nouveau président du Conseil est le général Petroff. Il aurait voulu, paraît-il, faire un ministère de concentration patriotique : c’est l’expression dont se servent les dépêches, elle ne signifie d’ailleurs rien de clair. Un ministère dans lequel on aurait réuni des représentai de tous les partis aurait été un nid à conflits : il n’y a pas à regretter que cette combinaison ait échoué. Le général Petroff s’est alors vu obligé de donner à son cabinet un caractère mieux défini : il s’est entouré de stamboulovistes et d’hommes peu connus en dehors des frontières de la Bulgarie, peut-être même des barrières de Sofia, dont le principal mérite est de jouir de la confiance du prince. C’est quelque chose sans doute, mais ce quelque chose ne nous renseigne pas sur la politique que le prince se propose de suivre, c’est-à-dire sur ce que nous voudrions savoir. Lorsqu’il y a des partis organisés dans un pays, on reconnaît tout de suite, d’après les partis auxquels le souverain s’adresse, la marche qu’il entend suivre. La qualité de stamboulovistes, attribuée aux ministres qui ne doivent pas leur nomination à la seule faveur du prince, rappelle le fameux dictateur d’autrefois. Quelle était donc sa politique ? On nous dit qu’elle était très loyaliste à l’égard de la Porte. Stambouloff, en effet, a cherché à se mettre d’accord avec Constantinople ; mais il n’a pas cherché du tout à rester d’accord avec la Russie. Bien au contraire, il a fait une politique violemment anti-russe, et il n’a pu la soutenir qu’avec une dictature de fer et de sang. Nous sommes convaincus que les stamboulovistes d’aujourd’hui, ceux du moins qui viennent d’entrer dans les conseils du prince, ont de tout autres sentimens à l’égard de la Russie ; ils le disent, et cela est vraisemblable, nous dirons même certain ; mais, après avoir changé sur un point aussi important, ils ne sont plus guère reconnaissables, et leur qualité de stamboulovistes cesse de nous renseigner. S’il est vrai, comme les dépêches l’assurent, que le prince ait voulu, par les choix qu’il a faits, prouver au sultan sa fidélité, il n’avait pas besoin de s’éloigner du Tsar pour cela, car rien en ce moment ne saurait être plus agréable au gouvernement russe que de voir le prince Ferdinand donner pleine