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la peau d’un chien 7gr, 75 d’alcool éthylique pur par kilogramme du poids de l’animal pour amener la mort de celui-ci dans un délai de vingt-quatre à trente-six heures. Ce chiffre représentait la dose toxique limite de l’alcool ordinaire pur. Ils essayèrent de la même manière les autres alcools et les substances qui s’adjoignent à l’alcool éthylique pur dans les alcools marchands mal rectifiés, c’est-à-dire les alcools supérieurs, aldéhydes et acétones. Ils virent que ces corps accessoires possédaient une malfaisance plus grande que l’alcool éthylique pur, et que par exemple il suffisait de 3gr, 80 d’alcool propylique pur, 1gr, 50 d’alcool amylique pur, 1 gramme d’aldéhyde pour produire l’effet que produisaient tout à l’heure les 7gr, 75 d’alcool éthylique ordinaire. En d’autres termes les doses toxiques limites étaient représentées pour ces différentes substances par les nombres 7,75, 3,80, 1,50 et 1 gramme. Et ainsi était rendue manifeste et en quelque sorte évaluée numériquement la nocivité comparée de ces divers agens.

Ces expériences et toutes celles qui furent exécutées ultérieurement sur un plan analogue n’ont été comprises ni du public ordinaire ni même du public instruit. Elles ne l’ont été ni dans leur principe, ni dans leurs résultats, ni dans les applications qu’elles comportent. Sans s’inquiéter de ces malentendus les expérimentateurs n’ont pas cessé de poursuivre leurs études dans la même direction en perfectionnant la méthode et les procédés afin de les mettre à l’abri de toute critique. Il faut citer, parmi les savans qui y ont le mieux réussi, M. Antheaume et MM. Joffroy et Serveaux. Leurs études ont été publiées de 1895 à 1898. Ces savans ont pris toutes les précautions que l’on peut souhaiter pour rendre leurs résultats irréprochables et comparables entre eux. Leurs opérations ont porté sur le chien, le lapin et le cobaye. M. Picaud, en 1897, a étendu ce genre d’investigations aux oiseaux, aux batraciens et aux poissons.

MM. Joffroy et Serveaux faisaient l’essai de toxicité en introduisant le liquide directement dans les veines, en l’y faisant pénétrer à une vitesse constante et de manière à éviter tout phénomène de coagulation : ils poussaient l’injection jusqu’à la mort de l’animal. La quantité de liqueur qui produisait ce résultat, en tenant compte du poids de l’animal et en l’évaluant par kilogramme du poids de celui-ci, représentait ce que ces auteurs ont appelé « l’équivalent toxique expérimental » de la substance. En