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informa Luxembourg que ce Davot était « le même prêtre auquel ou l’avait confronté le matin, et qui avait affirmé ne l’avoir jamais vu de sa vie. » Ainsi s’écroulait, pièce à pièce, l’échafaudage fragile construit avec tant de labeur.

Les derniers témoins entendus ne le furent guère que pour la forme. Ce fut d’abord la marquise du Fontet, plus que jamais craintive et gémissante, et qui ne fit que confirmer les assertions du maréchal ; et l’on termina la séance par la comparution du vicomte de Montemayor, dont les explications ne furent pas plus compromettantes. Des longs discours de l’astrologue, je ne citerai que le trait final : comme La Reynie le questionnait sur la confiance de Luxembourg en ses talens divinatoires, le témoin répondit que le duc, à la vérité, riait parfois de ses prédictions, mais que d’autres, moins incroyans, le consolaient de ces moqueries ; et, d’un ton détaché, il ajouta que récemment encore, depuis qu’il était à Vincennes, il avait eu de M. De Louvois l’ordre de travailler pour lui « sur ce qui regardait l’avenir » et de « lui rendre compte du résultat de ses calculs, » — révélation inattendue qui mit Luxembourg en gaîté et les magistrats mal à l’aise.


X

Sur ces mots, fut déclarée close l’enquête, depuis plus de trois mois poursuivie. Les choses, de ce moment, marchèrent, selon la volonté du maître, avec une vitesse surprenante. On commença par expédier Lesage. Le lendemain même, il fut mis en jugement. Aussi criminel, à coup sûr, que la Voisin et ses autres complices, le public attendait qu’il eût un sort pareil, bûcher, roue ou potence ; toutefois, par une faveur qu’on s’expliquera sans peine, il ne fut condamné qu’à la détention perpétuelle. Nous le trouvons, quelques années plus tard, dans la prison de Besançon, intriguant comme par le passé, essayant même encore de dénonciations nouvelles, mais rabroué maintenant avec une rudesse méritée[1]. Si l’on s’en rapporte aux on-dit, il aurait, malgré tout, obtenu finalement sa grâce et terminé ses jours paisiblement à l’étranger ; mais je n’ai trouvé aucune trace, dans les pièces authentiques, de cette mesure de clémence scandaleuse.

  1. Lettre de Louvois au gouverneur de la forteresse de Besançon, du 6 avril 1683. Archives de la Bastille.