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à l’interrogatoire[1] : « Interrogé de ses nom, surnom, âge, qualité et demeure, après serment fait de dire vérité, a dit qu’il s’appelle François-Henry de Montmorency-Luxembourg, pair et maréchal de France, âgé de quarante-neuf à cinquante ans[2], demeurant rue Saint-Honoré, en son hôtel… » Ici, le maréchal, « avant que de répondre, » faisait entendre aux magistrats la déclaration solennelle qu’il avait préparée : « Ayant l’honneur d’être duc et pair de France, il pourrait prétendre, pour l’intérêt de messieurs ses confrères, de ne pouvoir être jugé que par messieurs du Parlement ; mais, dès l’instant qu’il s’est aperçu que l’intention du Roi était qu’il fût jugé par messieurs les commissaires pour l’exécution des lettres de la Chambre, il a cru qu’il était de son respect envers Sa Majesté de s’y soumettre ; et, faisant en cela acquit de son devoir, il est assuré d’y trouver la satisfaction d’avoir affaire à des juges de bien, et honnêtes, qui s’appliqueront à déterrer l’affreuse calomnie qui lui est imputée et qu’il a si peu méritée[3]. » Ce texte est celui qui résulte du procès-verbal officiel, tel que M. De La Reynie, après avoir entendu l’accusé, « le dicta lui-même au greffier. » Et c’était bien, observe Luxembourg, « le sens de ce que j’avais dit, mais non pas les mêmes termes ; et je ne les trouvais pas aussi bien que ceux dont je m’étais servi. Je ne m’attachai point cependant à les faire corriger, mon peu d’expérience à répondre en justice me faisant croire qu’il fallait avoir en cela de la déférence pour mes juges. »

La suite de l’interrogatoire ne nous apprend pas grand’chose de nouveau. Le maréchal raconta en détail les faits que nous savons déjà : son entrevue avec Lesage, dans la maison de Mme du Fontet ; l’escamotage de son billet qui « contenait des folies qu’il avait fait accroire être des choses importantes ; » le

  1. L’intitulé du procès-verbal officiel est conçu en ces termes : « Interrogatoire fait par nous, Claude Bazin, chancelier, seigneur de Bezons, et Gabriel Nicolas de La Reynie, conseillers du Roi, députés par le Roi pour l’exécution des lettres patentes du 7 avril dernier à M. le duc de Luxembourg, prisonnier au château de la Bastille, de l’ordre du Roi, et depuis arrêté recommandé, en vertu du décret contre lui décerné par arrêt de la Chambre séante au Château de l’Arsenal, le 23 du présent mois et an. Auquel interrogatoire a été par nous procédé, ainsi qu’il suit. Du 26 janvier, au château de la Bastille. » (Archives de la Préfecture de Police. Carton Bastille I.)
  2. Le maréchal se rajeunit un peu. La vérité est qu’il avait cinquante-deux ans sonnés.
  3. Archives de la Préfecture de Police. Loc. cit.