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d’Abd-el-Kader, son escorte ordinaire, ses fidèles. » « La camarilla, » dit le Roi en riant. La dépêche se terminait par ces mots : « La mère et la femme d’Abd-el-Kader… » interrompue par la nuit. En sorte que l’opinion générale était que vous aviez pris les deux « princesses, » pour parler comme le Siècle, qui, dans son numéro du lendemain, vous félicitait gracieusement.

Mais, le lendemain, la dépêche fut achevée dans un sens tout contraire, puisqu’elle nous apprit que ces deux grandes dames du désert s’étaient enfuies à toutes jambes. On en resta là jusqu’au mardi 30, jour de l’arrivée de vos dépêches datées de Chabouniah le 20, et d’Alger le 23. L’effet qu’elles produisirent à Neuilly, vous le savez par vos lettres de famille, et je n’y insisterai pas, dans la crainte d’être trop au-dessous de la vérité et de ce qu’on vous aura écrit. Le Roi convoqua immédiatement son conseil aux Tuileries et on y donna lecture de votre rapport et d’une lettre de Jamin, qui était pleine de cœur, et disait ce que votre modestie avait omis. La Reine vint à Paris ; elle me fit demander ; j’ignorais tout ; du moins, je ne savais que par la dépêche du 26 et par quelques lignes aimables de Jamin le grand succès obtenu, et j’avais soif de détails ; la Reine me les donna de vive voix, dans un entretien d’une demi-heure. Elle était émue jusqu’aux larmes, et de ces douces larmes qui ont dû calmer, au fond de son cœur, de bien anciennes et bien inconsolables douleurs. La lettre de Jamin était entre les mains de Camille Fain, qui en faisait un extrait pour le Messager ; je ne pus la lire que le soir, à Neuilly, où le Roi ne reçut personne, car la nouvelle qui avait apporté la joie dans la famille coïncidait avec un anniversaire qui la désolait : le 30 mai était la fête du Prince royal ; le 30 mai 1837, il s’était marié, et la Duchesse était allée à Dreux solenniser tristement ce souvenir. Le soir, les dépêches furent publiées in extenso dans le Messager ; et, le lendemain 31, tous les journaux du matin les donnèrent, à l’exception des journaux légitimistes pur-sang, du National, et de la Législature, qui se contentèrent de les résumer froidement. Le National poussait même l’injustice jusqu’à vous reprocher « l’emphase » dans la manière dont vous parliez de la marche des troupes jusqu’à Taguin. Quant aux autres, le 31, le Courrier, le Siècle et le Globe étaient excellent pour vous ; le Constitutionnel ne disait rien ; le lendemain, 1er juin, la Presse avait un second article très bienveillant, et la Pairie, journal de