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Sur ce sujet, nous finirons par nous entendre. L’expérience des hommes, l’habitude des grandes affaires, le poids d’une responsabilité sérieuse, tout contribuera à modifier chez vous cette croyance, honorable dans son principe, que vous êtes le fils de vos œuvres ; et, quand vous serez bien convaincu que vous devez immensément à la société, vous lui rendrez davantage, — je ne dis pas en services utiles et périlleux, je serais trop injuste pour vous, — mais en représentation et en dignité extérieure, car la dignité est une partie de votre force. Tout le monde ne peut pas approcher d’un prince et juger son mérite réel ; mais sa vie extérieure appartient au public ; c’est par elle qu’il se communique et c’est par elle qu’il est jugé, jusqu’au moment où son mérite éclate et où la grandeur et l’importance de ses services ne peuvent plus être contestées. C’est le moment que les Frédéric et les Napoléon choisissent pour n’être plus fort scrupuleux en fait de costume, et, alors, personne ne s’en plaint.

Pardon, mon cher Prince, de cette longue tirade qui n’est que le développement de vos propres idées sur les Arabes ; j’éprouve cependant quelques remords à vous faire ainsi de la morale quand j’ignore encore où vous êtes, comment vous avez supporté cette première campagne, quel en a été le succès et la conduite. J’espère bien que les premières nouvelles d’Afrique nous édifieront complètement sur tous ces points. Déjà nous savons que vous êtes parti par le beau temps ; mais, hélas ! qu’y a-t-il de plus perfide que le soleil de novembre et de plus fugitif que l’été de la Saint-Martin ? Et si ce beau soleil n’avait servi, comme c’est son droit en cette saison, qu’à amasser des nuages et à déchaîner des orages ! Omnia tuta timens. Je me défie de cette belle perspective qui vous a souri au début de votre expédition, et je n’ose croire à sa durée ; j’aime mieux penser que vous avez noblement supporté des fatigues et des intempéries inévitables à cette époque de l’année et que votre santé n’en a pas trop souffert…


Paris, 26 décembre 1842.

Mon cher Prince, les journaux nous annoncent votre retour à Alger pour les premiers jours de janvier, et, comme je charge ma lettre de vous porter mes vœux de nouvel an, je désire qu’elle vous parvienne en temps opportun et qu’elle s’acquitte convenablement de cette mission. Quant à la nature des vœux